AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 002 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Tanger, sacrée capitale méditerranéenne du court métrage
critique
rédigé par Mohamed Bensalah
publié le 25/10/2009
Mohamed Bensalah
Mohamed Bensalah
Tanger 2009
Tanger 2009
Le jury 2009
Le jury 2009
Faouzi Bensaïdi
Faouzi Bensaïdi
Uda Benyamina
Uda Benyamina
Aïcha Mahmah dans Fatma (2009), de Samia Charkioui
Aïcha Mahmah dans Fatma (2009), de Samia Charkioui
Samia Charkioui
Samia Charkioui
Fatma, 2009
Fatma, 2009
Alice Taurand dans Goulili (Dis moi si tu sais), 2008
Alice Taurand dans Goulili (Dis moi si tu sais), 2008
Sabrina Draoui
Sabrina Draoui

Le titre du dernier film de Faouzi Bensaïdi, What a wonderfui world! ("Quel monde merveilleux !"), convient, parfaitement à la 7e édition du court métrage méditerranéen de Tanger qui vient de baisser ses rideaux. Une semaine durant, sacrée capitale méditerranéenne du court-métrage, la ville aux mille visages a accueilli, sans mondanité, sans faste inutile et sans tapis rouge superflu, les jeunes créateurs, artistes et critiques du 7e art méditerranéen, ainsi que des invités venus d'une vingtaine de pays. Quel insigne honneur et quel redoutable privilège pour la perle du détroit! Prouvant, encore une fois que le film court ne manque ni de créateurs, ni de talents, ni de compétences, ni de savoir-faire technique, la capitale du nord n'a pas hésité à inscrire, en compétition officielle, 58 films de fiction inédits, en plus de la sélection du panorama spécial du films courts marocains (65 films produits depuis la précédente édition), des projections itinérantes et des films des écoles de cinéma.

Divergences sur le palmarès

La mission n'a certainement pas été facile pour le jury international éclectique composé de grands noms du cinéma, qui a fini par décerner trois prestigieux prix : le Grand prix de Tanger, le Prix du jury et enfin le Prix du scénario, attribués respectivement à Alexandra Grau De Sola (France) Claudia Vrejao (Portugal) et Constantinos Yialourides (Chypre-Grèce) et). Les cinéastes en herbe maghrébins, qui se sont nettement distingués ces dernières années dans le genre, avec des films de haute facture, n'ont malheureusement eu droit à aucune distinction, Comme dans tous les festivals de par le monde, les avis sur le palmarès divergent. L'avis des "spécialistes" est rarement celui du grand public. Et c'est normal ! Le regard n'est pas le même, les référents culturels ne coïncident pas, enfin, les astreintes différent selon le niveau de responsabilité des uns et des autres. Cela-dit, les films non primés ne sont pas forcément mauvais et les films primés ne sont pas toujours les meilleurs.

Tanger est capitale

À l'instar de Clermont Ferrand, Oberhausen, Rome, Bruxelles, Cracovie, Karlovy-Vary, Tampere, Lisbonne et Huesca, grandes métropoles cinématographiques qui consacrent le film court, Tanger - célèbre par ses bâtisses et par ses habitants, comme le dit la chanson - est désormais, la ville phare qui se consacre exclusivement au court-métrage méditerranéen. Genre sous estimé et toujours appréhendé comme mineur sous certains cieux, le court-métrage a permis à nombre de cinéastes d'émerger et d'accéder à la notoriété. Malgré les obstacles à la production qui ne cessent de se dresser devant les créateurs potentiels, de nouvelles générations pointent le bout du nez. La qualité de la programmation, saluée unanimement, prouve à l'évidence que le vivier est toujours prometteur de talents. Les véritables problèmes qui se posent, nous confie le distributeur Benkirane, ce sont, l'étroitesse du marché cinématographique et surtout la sclérose des circuits de diffusion. Enjeux économiques donc, outre les enjeux techniques, thématiques, esthétiques et politiques, qui ne sont guère négligeables.

Une bonne sélection

Le réalisateur d'un court-métrage subit certes, moins de pression que le candidat au long métrage. La chape de plomb n'est pas la même. Mais les conditions de production, le peu de moyens techniques et logistiques constituent des limites expressives. Le cinéaste en herbe doit faire preuve d'ingéniosité et de savoir-faire, tout en étant précis et efficace.
Avec "Ma poubelle géante" de Uda Benyamina, un film plein de fraîcheur et d'intelligence, "Ma pomme" de Kaouthar Darid, un film plein de subtilité et d'originalité, et surtout "Poupiya" et "Fatma" de Samia Cherkioui, on peut dire que la gente féminine relève à merveille le drapeau cinéphilique marocain. On peut également citer "Tamalout" de Kaouthar Darid, "L'Autre" de Rita El Kessar et "Chapitre dernier" de Jihane El Bahhar.
Une certaine vision sur l'art et sur le monde qui les entoure se dégage aussi de l'excellente prestation de Sabrina Draoui, auteure de "Goulili" et de Khaled Benaïssa qui a réalisé "Ils se sont tus". Ces deux premiers films, jugés plus qu'honorables, continuent à récolter des prix sous toutes les latitudes.
Longuement applaudi également "Allo Pizza" de Mourad Khaloui, "L'Affectation" de Khalid et Redouane Fadel, "29 + 1" de la Jordanienne Dana Marie et "Barbe à Papa" de l'Espagnol Aritz Moréna. N'oublions pas enfin les travaux des étudiants des trois écoles de cinéma marocaines (ESAV de Marrakech, Institut de Ouarzazate, École de Rabat) qui, loin de laisser indifférents, annoncent d'ores et déjà, les tendances futures.

Un espace de rencontres

L'intérêt premier d'un festival cinématographique est de promouvoir le cinéma dans sa diversité, de faciliter les échanges et la circulation des œuvres et des idées et de privilégier les regards nouveaux d'auteurs méconnus ou peu connus du grand public. Consacré aux films courts, un festival permet aussi d'établir un état des lieux, de montrer ce qui se fait ailleurs et de confronter des expériences. Vecteur de rapprochement des imaginaires et d'affermissement des relations entre citoyens de sphères géographiques différentes, il peut aussi contribuer au rapprochement des peuples et des cultures. En réunissant des jeunes créateurs et artistes, des décideurs et des distributeurs, un festival peut constituer une opportunité culturelle à même de contribuer à la promotion et à la distribution de projets communs. Mais quelle que soit l'importance d'un festival, il ne peut en aucune manière résoudre les graves problèmes que rencontre le film court pour émerger au grand jour. Les cinématographies méditerranéennes et plus particulièrement maghrébines accusent un lourd déficit en matière de formation, de production et de diffusion. À l'exception de certains festivals qui contribuent à sa promotion et de rares chaînes télé qui le programment, le court-métrage est négligé, ce qui le rend quasiment invisible pour le grand public.

Le court-métrage, une école

L'histoire du court-métrage au Maroc est riche de cinéastes importants. De grands noms du cinéma, issus de ce creuset (Nabil Ayouch, Leilà Marrakchi, Yasmine Kassari, Hichem Lasri, Nour-eddine Lakhmari, Jamal Belmejdoub…), témoignent de la fascinante richesse de cette cinématographie nationale en plein essor, qui s'est dotée d'un ambitieux organisme public d'aide au cinéma. À Tanger, cette année, pas de chichis, pas de stars et donc pas de hordes d'accompagnateurs, pas de bousculades. Cette édition, qui regroupe tous ceux qui s'intéressent aux courts métrages, professionnels et spectateurs, offre l'opportunité de s'informer et d'engager des réflexions autour des perspectives de ce genre de cinéma, parallèlement aux projections de films. Tanger est désormais un rendez-vous incontournable des futurs professionnels du 7e art, auteurs, réalisateurs, producteurs et diffuseurs. Cette édition a été une réussite grâce à la mise en synergie des compétences avérées et la mobilisation de professionnels confirmés. L'implication totale des autorités locales, du mouvement associatif et des habitants de la ville a aussi été un gage de réussite d'une telle manifestation. La manifestation s'est déroulée dans une simplicité totale à l'image du créateur de l'événement, Nour-Eddine Saïl, directeur du CCM qui annonce la 8e édition en affichant les mêmes ambitions, à savoir attirer les regards vers ce genre considéré comme mineur, ouvrir de nouveaux horizons aux créateurs, dépasser les frontières et s'ouvrir aux autres cinématographies avec lucidité et réalisme.

Une semaine prodigieuse sous le signe du cinéma.

De l'avis des participants, cette 7e édition a été une réussite. Elle a comblé les espérances. Avec ce grand événement culturel, Tanger s'est positionnée comme capitale du film court, à la croisée des chemins, des réflexions et des hommes. Avec son soleil garanti et mieux encore, l'accueil chaleureux de ses habitants, la délicieuse ville, sise à l'extrême limite du continent, atteint une renommée internationale. En dehors des salles obscures, l'occasion, qui vient d'être offerte à la ville, aura permis à tout le moins de faire découvrir des lieux culturels et ses espaces de convivialité. Avec ses écrans magiques sur lesquels se reflètent les images issues de toute la Méditerranée, "Tanja El A'lia", Tanger la haute, sait faire partager ses plaisirs au plus grand nombre. Les Tangeaouis, qui ont participé activement à l'événement, ne sont pas prêts d'oublier cette semaine envoûtante placé sous le signe du cinéma.
Une participation exceptionnelle, une sélection de haut niveau, un panorama, des salles de projections et de conférences pleine à craquer, des rétrospectives d'auteurs à côté des films récents, des tables rondes thématiques, des débats pertinents au terme des projections, traduisent le renouveau thématique et stylistique. Véritable bouffée d'air frais, ce 7e rendez-vous, auquel ont pris part de nombreux cinéastes et critiques maghrébins et moyen-orientaux, a gagné en maturité. Il ne pourra dans l'avenir que se déployer encore plus et s'inscrire dans la durée.

"Le saut des deux fous", Grand prix du 7ème Festival du Court Métrage Méditerranéen de Tanger

Le jury international est composé de grands noms du cinéma. Il y a notamment la productrice égyptienne Marianne Khouri, la cinéaste grecque Paola Starakis, William Azzola du Centre expérimental du cinéma de Rome, l'Algérien Boualam Azibi, directeur des programmes Overseas Africa qui diffuse le bouquet Canalsat Horizon, de la réalisatrice et auteure marocaine Selma Bargache, le critique et professeur de cinéma et littérature de l'université de Tétouan, Hamid Aïdouni. Faouzi Bensaïdi, récompensé à deux reprises au festival de Cannes, a assuré la présidence.
Le film français Le saut des deux fous d'Alexandra Grau De Sola a remporté le grand prix de la 7e édition du festival. C'est l'histoire de la confrontation de deux marginaux en rupture de société.
Le prix du jury a été attribué au film portugais Cold day (un jour froid), de Claudia Vrejao, qui raconte le quotidien d'une famille, en rupture de banc, un hiver à Lisbonne.
Le prix du scénario est revenu au film chyprio-grec Notice instructions de Constantinos Yiallourides, l'histoire d'une rencontre fortuite entre une jeune fille pleine de vie et un jeune homme cloîtré qui va sortir de sa réserve.

Mohamed Bensalah

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés