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Décès de Samba Félix
Il est parti Mister Doc…
critique
rédigé par Baba Diop
publié le 15/11/2009
Baba Diop
Baba Diop
Samba Félix Ndiaye en 2007, dans un restaurant de l'île de Ngor
Samba Félix Ndiaye en 2007, dans un restaurant de l'île de Ngor

Samba Felix Ndiaye, cinéaste documentariste est né un 6 mars et il est mort un 6 novembre à l'âge de 64 ans. Il est resté fidèle au genre documentaire qu'il appelait l'Autre cinéma. Henri François Imbert à qui on doit une étude documentée sur le travail de Samba Félix ("Samba Félix : cinéaste documentariste africain" ed. l'harmattan) le considère comme un réalisateur partisan "d'un cinéma qui réinvente les formes et les contenus du monde". Préoccupé par la réflexion sur l'esthétique des films africains, Samba Felix Ndiaye envisageait d'ouvrir une école de cinéma suivant le modèle de l'ancien Centre expérimental de Rome. En 2007, pour la sortie de son dernier film "Questions à la terre natale" nous avions eu une longue interview sur son travail et l'histoire du cinéma en Afrique. En hommage à ce grand documentariste voici ce qu'il disait : à propos de son cinéma.

Le documentaire c'est quoi pour vous ?

Samba Félix :
"Le documentaire, c'est l'autre cinéma qui s'intéresse au réel, qui questionne la réalité d'un continent, du monde. Actuellement, il y a un regain du documentaire. Il reste qu'aujourd'hui, le cinéma documentaire en Afrique ouvre de nouveaux horizons qui embrassent beaucoup de champs culturels.
Il y a une jeune génération de cinéastes dont une majorité de jeunes filles qui ont un regard sur les sociétés africaines et un discours qu'on n'a pas souvent entendu. Un regard assez pertinent sur ce qu'est le Sénégal d'aujourd'hui.

Vous êtes resté fidèle au documentaire alors que ceux de votre génération ont vite fait d'aller vers la fiction ?

J'ai eu l'impression pendant longtemps d'être dans un "no man's land" par rapport à la cinématographie africaine, d'être quelqu'un qui trace un sillon trop personnel en m'inscrivant dans le documentaire. Quand on a, à peu prés 20 ans dans les années 68 et qu'on voit des films comme "Terre sans pain" de Bunuel, "Valparaiso", Joris Ivens, "Les statues meurent aussi" de Chris Marker et Alain Resnais y compris "Panther Pankali" de Satyajit Ray, ces empreintes vous marquent. Ces films me poursuivent jusqu'à présent.
Ce que je reproche à la jeune génération, c'est de ne pas s'être ouvert très tôt au cinéma mondial. C'est vrai que les nouvelles technologies, la vidéo, le numérique, c'est bien mais les nouvelles technologies par rapport à l'arrivée du 16mm et du super 16 dans les années 60 qu'est ce que c'est. L'arrivée du 16, du super 16 et même du super 8 ont permis, quand même de changer d'approche, d'être plus près des personnages et des choses et de permettre l'émergence du cinéma d'investigation comme on dit, avec une rigueur au niveau de l'écriture qu'on n'a pas aujourd'hui.

Qu'est ce qui vous intéresse dans le documentaire ?

Notre génération avec les Moussa Bathily, Ben Diogaye Béye, Djibril Diop Mambéty, nous avons commencé par le documentaire. Le cinéma africain a commencé par le documentaire. Ce qui m'intéresse dans le documentaire, c'est cette petite chose qui se situe juste à la charnière de la fiction et du documentaire. Moi, c'est ce travail là qui m'intéresse.
Le film de Blaise Senghor "Le grand Magal de Touba", "Delou thiossane" d'Yves Diagne, presque tous les films de l'époque y compris "Borom sarrett" de Sembène sont à la lisière de la fiction et du documentaire. C'est ce travail là qui est intéressant.

Le cinéma africain à souvent été catégorisé, mais y a-t-il un dénominateur commun ?

Je pense que le seul dénominateur du cinéma africain à l'époque de sa naissance qui est intéressante, c'est l'approche néoréaliste du cinéma africain. Parce que je pense que beaucoup de films de fiction disparaitront en tout cas du cadre de cette dénomination, resteront des éléments de document qui témoigneront d'un passé.

Et l'esthétique du cinéma africain ?

Il n'y a pas eu de réflexion sur l'importance de l'image, du son, de ce qu'ils peuvent apporter. Nous avons tous fait des films les Sembéne, Momar Thiam, Ababacar Samb, Paulin Vieyra, et même notre génération mais il n'y a pas eu une réflexion sur l'esthétique.
Ce que dit le cinéma africain en dehors de raconter des histoires ? Comment, ce cinéma là véhicule une esthétique, un langage, une civilisation ou des civilisations parce qu'il s'agit d'un regard avec une personnalité, avec quelqu'un qui a une vision du monde, qui appartient à une culture ?
Comment ce fait-il que depuis fort longtemps, on ne travaille pas sur l'histoire de l'esthétique du cinéma africain ?

Il y a tout de même un début de réflexion ?

Je trouve que ce que font Abderrahmane Sissako, Mahamat Saleh, un Jean Marie Teno qui fait un travail extraordinaire, voila ce que j'attendais depuis fort longtemps. Il y a comme une sorte d'école qui se dessine par rapport à ce que je disais tout à l'heure. Pas seulement le contenu parce que l'esthétique comme disait l'autre c'est le contenu qui émerge en surface.

Vous cadrez serré et vous aimez les silences, quelle esthétique vous désirez mettre en place ?

Moi, j'ai un grand maitre et je l'ai su plus tard quand on a commencé à me dire tu filmes toujours en contre plongé les personnes avec qui tu t'entretiens et tu as souvent l'espace, juste le cadre et la personne en face toujours.
Ma grand-mère me disait : "Quand tu vas chez quelqu'un, il ne faut pas te mettre plus haut que lui, puisque si on va demander à quelqu'un qui en sait plus que vous, il faut au moins être humble." Il y a cette vision là.
Quand vous parlez à quelqu'un qui bouge en même temps que vous lui parlez c'est qu'il est pressé de partir. Alors moi, le parti pris que je prends, c'est de me mettre face à lui et de ne pas bouger en faisant en sorte qu'il y ait un champ dans lequel il n'est pas enfermé c'est-à-dire qu'il peut bouger ; s'il a envie de cette intimité et de cet entretien il reste.
Il y a une rigueur dans le cadrage avec une profondeur de champ. La personne peut bouger, sortir du cadre, dire : "je ne veux plus de cet entretien. Moi, je reste là, j'écoute, je ne bouge pas.
Mais tout cela, je ne le dois pas à ma petite tête. Je le dois aussi à une collaboration. Pendant longtemps nous avons été une équipe Maguette Salla, Rafael Mullin ainsi qu'un régisseur. On avait choisi le système de travailler à cinq, de discuter les plans.

Entretien avec Baba diop

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