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Harragas, de Merzak Allouache
La course des brûleurs en Méditerranée
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 18/02/2010
Michel Amarger
Michel Amarger
Harragas
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Harragas
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Harragas
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Harragas
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Harragas
Merzak Allouache
Merzak Allouache

LM Fiction de Merzak Allouache, Algérie / France, 2009
Sortie France : 24 février 2010

La fièvre des brûleurs embrase la Méditerranée. Le sang versé par les morts ne cesse d'augmenter sans décourager ces clandestins en rupture. Déterminés à échapper à une vie sans issue, les "harragas" sont prêts à tout. "Partir, cela s'appelle brûler, brûler ses papiers, brûler les frontières, brûler sa vie s'il le faut mais partir", indique Merzak Allouache. Le cinéaste algérien, frappé par le phénomène qui saigne son pays où les jeunes ne supportent plus le quotidien, a choisi de leur consacrer un film. Loin des documentaires qui fleurissent sur le sujet en Algérie depuis quelques temps tel Harguine Harguine de Meriem Achour-Bouaakaz, 2007, l'auteur réputé de Omar Gatlato, 1976, Bab El-Oued City, 1993, L'autre monde, 2001, traite de l'embarquement des clandestins par un récit mesuré. "Harragas est une fiction dont la seule ambition est de montrer la situation d'un groupe de ces jeunes désespérés qui décident de se lancer dans cette traversée périlleuse", annonce t il.

Il s'attache à Rachid et Nasser qui veulent brûler malgré le suicide d'un ami, candidat au défi avec eux. Le récit est énoncé en voix-off par Rachid qui a déjà tenté la traversée et s'est fait refouler avec Nasser. Imene, amoureuse de ce dernier, est résolue à intégrer la bande où figure un ex-copain, devenu intégriste. Sous la conduite intéressée de Hassan, un ancien marin, ils doivent embarquer avec des clandestins venus du sud de l'Afrique, pour gagner l'Espagne à dix.
Le départ prend un tour inquiétant lorsqu'un homme armé d'un pistolet, élimine le passeur et écarte un clandestin pour prendre sa place. Révélant en cours de route qu'il est un policier en fuite pour avoir mal réglé une affaire, il cultive menaces et provocations à bord de la barque, jusqu'à un affrontement fatal avec l'intégriste. Livrés à eux-mêmes après une panne de moteur, les clandestins se divisent. Tandis que les Noirs qui ne savent pas nager restent dans la barque en attendant des secours, ou la police, les trois jeunes Algériens se jettent à l'eau vers l'Espagne.

"J'ai souhaité raconter froidement et sans concession cette histoire sur un mode réaliste qui soit à la hauteur de ce drame national", confie Merzak Allouache. "J'ai choisi d'être proche de mes personnages, simplement." La caméra portée épouse la nervosité des brûleurs. La qualité des images valorise la luminosité de la Méditerranée. Mais après la première partie qui évoque avec vivacité les préparatifs, le film devient plus figé durant le passage en barque.
Les rebondissements induits par le scénario semblent plus relancer l'action que les accidents du parcours, au détriment de l'atmosphère tendue de la traversée. La dureté de la situation est estompée par l'affrontement un peu théâtral des acteurs, surtout dans les scènes de nuit. On y mesure pourtant les fractures de la société algérienne où intégristes et polices sont renvoyés dos-à-dos, l'ostracisme des brûleurs algériens pour leurs homologues venus d'autres territoires africains, la répression des forces de l'ordre européennes qui intensifient les contrôles autour des harragas.

La fiction soigneusement composée par Merzak Allouache s'appuie sur ses recherches. "99% de ce que disent les personnages du film sont des phrases que j'ai entendues", confie le réalisateur. Pour accentuer le réalisme, surtout palpable au début, sa caméra s'est promenée autour de Mostaganem où débute l'action. C'est dans cette région que la majorité des acteurs a été recrutée en liaison étroite avec le théâtre de Mostaganem. Le vétéran Okacha Touita, né là mais installé en France, auteur de films tel Les sacrifiés, 1982, apporte sa contribution en jouant le passeur.
Complétée de scènes tournées sur la côte française, Harragas est une coproduction franco-algérienne apte à sensibiliser. "Mon travail en tant qu'auteur, c'est d'exprimer ce que je ressens par rapport à une situation qui me préoccupe", estime Merzak Allouache. Son inquiétude, pondérée par un récit posé et une musique lyrique, rend la diffusion de sa fiction opportune. Même si la réalisation atténue l'intensité de la flamme qui consume les harragas.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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