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Collywood, le Hollywood du Cameroun
critique
rédigé par Stéphanie Dongmo
publié le 15/07/2010
Stéphanie Dongmo
Stéphanie Dongmo
Waa Musi, coordonnateur national Collywood
Waa Musi, coordonnateur national Collywood
Ernest Kanjo, critique de cinéma
Ernest Kanjo, critique de cinéma
L'entrée du stand de Collywood (Palais des sports, Yaoundé, 03 juin 2010).
L'entrée du stand de Collywood (Palais des sports, Yaoundé, 03 juin 2010).
L'affiche de Collywood à Ecrans noirs (Palais des sports, Yaoundé, 03 juin 2010).
L'affiche de Collywood à Ecrans noirs (Palais des sports, Yaoundé, 03 juin 2010).
Elvis Tamwie dans le stand de Collywood à Ecrans noirs (Palais des sports, Yaoundé, 03 juin 2010).
Elvis Tamwie dans le stand de Collywood à Ecrans noirs (Palais des sports, Yaoundé, 03 juin 2010).
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Zigoto Tchaya Tchameni
Zigoto Tchaya Tchameni

L'industrie de la vidéo domestique prospère depuis quelques années au Cameroun sur le modèle nigérian. Les films à petits budgets sont réalisés en anglais par des cinéastes originaires des régions anglophones et formés sur le tas. En 2008, ils se sont mis ensemble pour créer une association baptisée Cameroon film industry, Collywood.

Après Hollywood aux Etats-Unis, Bollywood en Inde et Nollywood au Nigeria, voici Collywood au Cameroun. L'industrie du cinéma en anglais s'est spécialisée dans un modèle d'un genre particulier : la "home video" ou vidéo domestique, copié chez le voisin nigérian. D'abord timide à ses débuts, elle s'affiche désormais et sort des régions anglophones du Nord-Ouest et Sud-Ouest pour revendiquer sa place dans le cinéma camerounais.
Collywood, organisée en association, a vu plusieurs de ses productions au programme du festival Ecrans noirs du cinéma francophone, organisé du 31 mai au 5 juin 2010 à Yaoundé. Aux côtés de ceux des cinéastes confirmés comme le Camerounais Jean-Pierre Bekolo, ou encore la Française Claire Denis.

Impossible d'obtenir des statistiques précises sur la production annuelle de Collywood au ministère de la Culture ou à la Société civile des droits audiovisuels et photographiques (Scaap). Mais selon une estimation de Waa Musi, son coordonnateur national, l'organisation produit en moyenne 80 films par an. Et depuis 2008, date de sa création, Collywood compte près de 300 longs métrages. Les maisons de production aussi prolifèrent. 150 sont régulièrement inscrits à Collywood. Et toutes leurs productions sont sorties en Dvd et Vcd. Mais pourquoi le cinéma domestique ?
"Dans un pays où on ne compte aucune salle de cinéma, l'avenir du cinéma est dans vidéo domestique qui a, en plus, l'avantage de coûter moins cher (1000Fcfa)", pense Waa Musi. De plus, ajoute-il, "nous avons voulu profiter de l'intérêt que les gens avaient déjà pour le cinéma nigérian, essentiellement basé sur la vidéo domestique".

Au commencement était Nollywood

Ernest Kanjo, journaliste et critique spécialisé dans le cinéma camerounais anglophone, explique que Collywood a véritablement commencé dans les années 2000, avec le déclic causé par la vidéo domestique nigériane.
En 2003, la jeune maison de production Splash network invite, pour la première fois, des stars du cinéma nigérian à venir tourner le film "Peace offering" à Bafut au Cameroun. L'initiative intéresse d'autres personnes qui se lancent dans la production, avec peu de moyens cependant. Et, au fil des années, le cinéma anglophone a conquis son marché. Même s'il reste sur les sentiers battus nigérians.

Aujourd'hui encore, il n'y qu'à regarder quelques productions camerounaises en anglais pour comprendre toute l'influence qu'a eu le succès de Nollywood sur Collywood : les genres sont les mêmes (drame, comédie romantique, polar, épique, historique, surnaturel) ; les films tournés souvent en deux, voire plusieurs parties ; les effets spéciaux et certains termes employés tels hoga (patron, en français) se retrouvent dans l'un et l'autre cas.

La confusion est plus grande encore lorsque des acteurs nigérians à la réputation établie sont invités à jouer dans des productions camerounaises. C'est le cas dans "Before the sunrise", une comédie romantique réalisée en 2005 par Fred Amata et diffusée depuis par la chaîne sud-africaine Africa Magic. Pour ce projet, son producteur, Agbor Gilbert Ebot, l'un des fondateurs de Collywood qui a fait ses armes dans le cinéma au Nigeria, est retourné dans ce pays. Il y a engagé des acteurs connus : Olu Jacobs, Emma Ayagolu, Zack Orji… qui ont joués à Douala et à Limbé avec des Camerounais, dont le musicien Jean-Pierre Essome. Le film, avec ses grandes villas, aurait pu aisément être confondu avec une production nigériane, si les acteurs n'y prononçaient, à chaque phrase, le mot Cameroun.

Des stars de Nollywood qui font vendre des productions de Collywood.

Le record des ventes de Collywood, "Clash of inheritance", plus de 20 millions d'exemplaires au Cameroun et au Nigeria, en est un exemple patent.

Ernest Kanjo explique ces similitudes troublantes par le fait que les ressortissants de la région anglophone du Cameroun et ceux de certaines régions au Nigeria ont, sur le plan culturel, les mêmes us et coutumes. De plus, ils ont, d'une certaine façon un même passé colonial : l'administration britannique.
Elvis Tanwie, scénariste, réalisateur et producteur renchérit : "c'est vrai, au début, nos films étaient une pâle copie de ce qui se fait à Nollywood. Maintenant, nous essayons de nous démarquer, d'écrire notre propre histoire avec notre propre sensibilité". Une sensibilité qui, néanmoins, passe par le modèle home video de là-bas qui connaît du succès ici.

Cinéma de l'urgence à petits budgets

En deux ans, Elvis Tanwie a écrit et réalisé à lui seul huit films. Son dernier, "Ride my wrong", sorti en février 2010 et vendu à 4000 exemplaires, comprend deux parties d'1h30 chacune. Il a été tourné avec deux caméras HDV en sept jours, à Yaoundé et à Limbé. La post production, réalisée à Bamenda, la capitale du cinéma anglophone, elle, a durée deux semaines.
Le coût total de la production de "Ride my wrong" 1 et 2 est estimé à 7 millions de Fcfa, les trois quart de cette somme étant alloués à la post production et à l'empaquetage du film. Pour des contraintes de budget, la maison de production Soprodic films Sarl, a réduit au maximum le nombre d'acteurs. Quatre au total, avec quatre figurants, tous des étudiants payés au rabais. "Les choses iront mieux lorsqu'il y aura de véritables maisons de productions structurées en entreprise", espère Elvis Tanwie dont le film figure parmi les plus gros budgets, les productions les moins coûteuses étant réalisées à 200 000Fcfa.

Amateurisme oblige

Si les professionnels de Collywood sont optimistes quant à l'avenir de la vidéo domestique anglophone, les problèmes sont cependant nombreux : "la qualité technique est approximative. Il y a des problèmes de son, d'éclairage et d'image, des effets spéciaux inadaptés. Les Cd et Dvd sont parfois mal gravés. L'amateurisme règne dans ce secteur.
Plus grave, il y a un cruel problème de financement. Aussi, la plupart des films est financée sur fonds propres", recense Ernest Kanjo. Malgré cela, "nos films auraient pu mieux se vendre si la communication était faite autour. Mais, en général, le volet communication est absent des budgets de production", regrette Elvis Tanwie.

Traduction hasardeuse

Parce que le marché des films de Collywood est étroit (population anglophone qui représente 20% de la population totale et qui est, en outre, est très attirée par les productions de Nollywood), de plus en plus de cinéastes anglophones se lancent à la conquête du marché francophone.
Réalisateur formé en Grande Bretagne, Zigoto Tchaya Tchameni propose des films où les acteurs parlent anglais et français. Derick Musing, lui, sous-titre ses films en français. C'est d'ailleurs le cas de "Cluster", un polar sorti en deux parties en 2008. Mais la mauvaise traduction et la multitude de fautes dans le texte annulent ces efforts de bilinguisme.

Distribution encore inorganisée

Après la sortie du film, les producteurs se chargent de déposer des exemplaires auprès des distributeurs. Pour le moment, au Cameroun, il n'existe que deux grandes maisons de distribution : Magic touch dont le siège se trouve à Buéa et Rainbow, avec siège à Bamenda.
Mal distribués, les productions de l'industrie du cinéma anglophone n'atteignent pas toutes les grandes villes du pays. Conséquence, le marché est encore fortement dominé par Nollywood. Snowse Tesoh, gérant de la boutique Magic Touch à Ngoa-Ekelle à Yaoundé, estime que pour cent films nigérians, un seul film camerounais est vendu.

Malgré les difficultés, à Collywood, on se veut optimiste. "Depuis 2008, la qualité des films a augmenté de 10%", indique le rapport d'activités 2009 de l'association qui a pour devise, à juste titre : "Together we can help to transform our society and the world through cinema" ("ensemble, nous pouvons aider à transformer notre société à travers le cinéma").
Collywood ambitionne aujourd'hui de créer des points de vente de ses films dans les dix régions du Cameroun, pour une meilleure distribution. "Beaucoup reste à faire. Mais je crois que s'il est organisé, la vidéo domestique anglophone sera un grand cinéma", conclut Ernest Kanjo, optimiste.

Stéphanie Dongmo

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