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Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb
Profils de la lutte armée algérienne
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 20/09/2010
Michel Amarger
Michel Amarger
Rachid Bouchareb, réalisateur de "Hors-la-loi"
Rachid Bouchareb, réalisateur de "Hors-la-loi"
"Hors-la-loi"
"Hors-la-loi"
Jamel Debbouze dans "Hors-la-loi"
Jamel Debbouze dans "Hors-la-loi"
"Hors-la-loi"
"Hors-la-loi"
"Hors-la-loi"
"Hors-la-loi"

France / Algérie / Belgique / Tunisie / Italie, 2009
Sortie France : 22 septembre 2010

Plonger dans l'Histoire peut susciter des remous, surtout quand elle est sensible entre deux pays liés par un passé colonial. Rachid Bouchareb a fait bouger les lignes avec Indigènes, 2005, mobilisant les consciences sur les anciens combattants maghrébins de la Seconde Guerre mondiale. Il creuse les relations entre l'Algérie et la France avant l'indépendance algérienne, dans Hors-la-loi, 2010. Le film revient sur les massacres de Sétif, le 8 mai 1945, qui sont l'un des catalyseurs de la guerre de libération algérienne. Côté algérien, on n'aime pas que soit contestée la responsabilité française. Côté français, on défend les bienfaits de l'armée, provoquée par les manifestants. La polémique soulevée par des anciens combattants français nationalistes, a attiré l'attention sur cette partie du film au Festival de Cannes. Mais la reconstitution des heurts de Sétif en question occulte le propos de Hors-la-loi. Car Rachid Bouchareb prend appui sur cette séquence pour montrer comment des hommes sont entraînés dans la violence.

Le film retrace le destin de trois frères algériens, de 1945 à 1962. Spoliés de leur terre par les autorités coloniales, blessés par l'humiliation du père, ils sont pris dans les assauts de Sétif. L'un est emprisonné par les Français et le cadet s'occupe de la mère. L'aîné est mobilisé en Indochine où il combat pour la France. Le cadet emmène la mère dans les bidonvilles de la banlieue parisienne, et gagne sa vie par les combines et les prostituées. Son frère emprisonné à Paris, endurcit sa conscience politique en faveur du Front de Libération National. A la sortie, il intègre le bidonville où sa mère désavoue le cadet. Au retour de l'aîné, dégoûté de la guerre, l'engagement dans le FLN prend corps. Les deux frères militent, le cadet verse des bénéfices de sa boîte de nuit pour la cause. La lutte se radicalise, les deux frères deviennent exécutants puis responsables d'attentats. La traque de la police les cerne, secondée par la Main Rouge, jusqu'aux répressions de 1961, précédant l'indépendance algérienne.

Le récit suit les parcours mêlés des trois frères, parfois opposés mais toujours liés par la solidarité familiale. Ils sacrifient leur jeunesse dans la lutte clandestine en France, perdent leur âme dans l'engrenage de la violence du combat contre les autorités françaises. La réflexion sur cette immersion progressive dans la radicalité est étayée par une fresque. Les acteurs principaux, Sami Bouajila, Roschdy Zem, Jamel Debbouze et Bernard Blancan, déjà primés à Cannes pour Indigènes, sont soudés par cette expérience. Ils prolongent leurs liens dans une histoire sombre et violente, émaillée de références à Scorsese, Coppola mais aussi Melville et Visconti. Les décors de Sétif comme ceux du Paris des années 60 sont reconstitués dans les studios tunisiens de Tarak Ben Ammar qui coproduit. Appuyé par des partenaires européens, le soutien des autorités algériennes, Hors-la-loi peut faire surgir des débats parmi le grand public auquel il est destiné.

Avec ce portrait d'hommes en lutte, Rachid Bouchareb sacrifie quelque peu l'Histoire, pour ne pas alourdir son récit. Le Mouvement National Algérien est un peu vite minorisé et relégué dans l'adversité par le scénario. Les spectateurs non avertis face aux attentats meurtriers du FLN peuvent avoir le sentiment qu'il rassemble surtout des radicaux fanatiques, même si les héros manifestent des doutes et des états d'âme.
Hors-la-loi est susceptible d'altérer l'image d'un combat où des militants pacifistes se sont impliqués. La fiction court ainsi le risque de globaliser tandis que la musique accentue le côté mélodramatique en tirant le propos vers l'émotionnel. Le film s'affirme comme un spectacle plutôt qu'une page d'histoire. Il touche les limites d'une fiction engagée qui doit se passer de nuances pour être efficace. Car la lutte collective n'est pas nécessairement destructrice pour ses militants. Hors-la-loi traite surtout de trois Algériens, brisés par un passé dont il convient de considérer les composantes pour mieux évoluer.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France / Africiné)

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