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La pépinière du désert
Contre-cultures marocaines
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 19/01/2011
Michel Amarger
Michel Amarger
Laurent Chevallier
Laurent Chevallier
La pépinière du désert
La pépinière du désert
La pépinière du désert
La pépinière du désert
La pépinière du désert
La pépinière du désert

Long Métrage Documentaire de Laurent Chevallier, France, 2009
Sortie France : 19 janvier 2011

Il y a déjà quelque temps que la caméra de Laurent Chevallier nous renseigne sur les gestes de solidarité qui unissent les artistes. Prompt à suivre les musiciens guinéens comme Mamady Keita pour Djembefola, 1992, et Mögöbalu, 1998, ou Momo Wandel dans Momo le doyen, 2007, le réalisateur français relate la collaboration entre les membres du groupe Folifö et des élèves d'une classe du Gers, en France, dans Expérience africaine, 2008.
Cette fois, l'auteur de L'enfant noir, 1995, et Circus Boabab, 2000, s'écarte des valeurs et des horizons guinéens qu'il affectionne. Au bout du chemin, La pépinière du désert, 2009, nous renseigne sur les gestes de solidarité qui unissent des paysans singuliers.

L'action se situe dans la région de Mengoub, au Maroc, où deux hommes tentent de réinventer une agriculture à échelle humaine. L'un est un paysan récemment marié, qui fait office d'imam, résolu à installer une pépinière dans le désert. L'autre, émigré en banlieue parisienne, prête main forte au projet en mobilisant les moyens de le faire avancer par des conférences et des démarches administratives. Leurs énergies convergent pour donner corps à leur rêve : planter 700 pousses dans des pots, protégés par de plastiques, irrigués artificiellement, pour obtenir des arbustes aptes à être vendus. L'initiative est destinée à générer une économie locale en permettant de faire travailler les fils de fellahs très pauvres de la région, et combattre ainsi l'exode vers l'Europe.

Laurent Chevallier accompagne l'aventure en suivant ses initiateurs de deux cotés de la Méditerranée. Présent aux conférences de la région parisienne, il capte les échanges qui expliquent la faisabilité de l'entreprise avec le concours du président des pépinières d'Ile de France. Il s'élance dans le désert marocain aux cotés du cultivateur acharné, rejoint par son associé. Tout en cadrant les gestes et les rites quotidiens, en écoutant les motivations de la démarche, le réalisateur assiste à l'équipement de la pépinière. Il filme la construction d'une éolienne bricolée, la réparation du moteur de la pompe à irriguer, la croissance des pousses mais aussi le vent qui assèche la terre et brouille le paysage. Dans les intérieurs, on mesure les occupations domestiques qui accaparent les paysans.

La caméra s'attarde sur les cours du soir, prodigués aux enfants, leurs jeux avec les chèvres de la ferme. Des visites familiales où le père du paysan l'incite à viabiliser plus vite contribuent à détendre le spectateur. Le travail se suspend pour les retrouvailles communautaires. Pendant l'Aïd, les protagonistes confient leurs parcours d'exilés avant le retour pour restaurer l'exploitation de l'eau, délaissée depuis 40 ans par les responsables marocains. L'ultime fête du film, à l'occasion du premier anniversaire de la pépinière, réunit des adhérents de l'association animée par l'émigré autour d'un feu et de la musique régionale qui crépitent. Ainsi La pépinière du désert, coproduit par la chaîne Arte et la région d'Ile de France, illustre joyeusement la possibilité d'une alternative pour contrer l'exode rural.

Laurent Chevallier oriente les regards vers les gestes positifs : planter pour revivifier, pratiquer un islam tolérant en défendant l'éducation des femmes, transmettre le savoir aux enfants, valoriser l'esprit communautaire. Il sait aussi ponctuer les péripéties de ses paysans déterminés par des plans larges, poétiques, sur le désert, les ombres portées, les feuillages frémissants, la lune claire. Des gros plans sur les moteurs, les plantations, rythment le montage jusqu'au jaillissement final de l'eau tant espérée. Le cinéma relaie ainsi l'association Solidamoun pour populariser la démarche. Et Laurent Chevallier plante sa caméra dans cette aventure humaine pour la faire fructifier par l'image.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France / Africiné)

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