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analyse
rédigé par Claire Diao
publié le 04/06/2012
Stand du Kenya au Marché du Film, Cannes 2012
Stand du Kenya au Marché du Film, Cannes 2012
Claire Diao (Clap Noir)
Claire Diao (Clap Noir)
Vierge, les Coptes et Moi (La) de Namir ABDEL MESSEEH
Vierge, les Coptes et Moi (La) de Namir ABDEL MESSEEH

La présence africaine au Festival de Cannes 2012

Cette année, la Croisette accueillait plusieurs films africains : Après la bataille de l'Egyptien Yousry Nasrallah en compétition officielle ; Les chevaux de Dieu du Marocain Nabil Ayouch et La pirogue du Sénégalais Moussa Touré dans la section Un certain regard ; The end du Marocain Hicham Lasri et La vierge, les coptes et moi du Franco-égyptien Namir Abdel Messeh dans la sélection Acid ainsi que Le repenti de l'Algérien Merzak Allouache et le court-métrage anglo-marocain The Curse de Fyzal Boulifa à la Quinzaine des Réalisateurs.


Extrait Vidéo (wolof, sous-titré français) de La pirogue du Sénégalais Moussa Touré.





Extrait Vidéo (arabe, sous-titré français) du film Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch, Maroc/France.


Débouchés promotionnels


Être sélectionné à Cannes - en compétition officielle ou parallèle - est une belle opportunité. D'être vu par des milliers de spectateurs, d'être relayé par un grand nombre de journalistes internationaux (4.500 accrédités en 2012) mais aussi d'être repéré par des professionnels (distributeurs, vendeurs ou producteurs) qui permettront au film de faire une belle carrière post-festival ou de développer de futurs projets.

Sur les 7 films pré-cités en sélection, 4 ont obtenu une reconnaissance. Nabil Ayouch - déjà connu pour son film à succès Ali Zaoua, prince de la rue (2000) qui avait engendré près de 51.778 entrées en Europe [source : IMDB] - a obtenu le prix François Chalais 2012 pour son long-métrage Les chevaux de Dieu considéré par le jury comme un film "courageux qui dénonce la misère des bidonvilles en ce qu'elle génère les pires actes de désespoir". Plus médiatique que monétaire, ce prix parallèle à la section Un certain regard apporte au réalisateur ses encouragements en même temps qu'un accroissement de sa visibilité : une projection du film sera organisée en fin d'année dans les locaux du CNC français.

À la Quinzaine des Réalisateurs, le long-métrage algérien Le repenti de Merzak Allouache - réalisateur lauréat de 12 trophées internationaux depuis 1977 dont 2 à Cannes pour Un amour à Paris (1987) et Bab-El Oued City (1994) - a remporté le Label Europa Cinémas. Ce label, créé en 2003 pour "accroître la promotion, la circulation et la durée d'exposition des films européens lauréats" [le film est co-produit par la société française JBA Productions, ndlr], encourage ainsi son exploitation dans les 1.057 salles de cinéma du réseau, implantés dans 599 villes de 64 pays européens. Sophie Dulac Distribution a pris Le repenti dans son catalogue, pour une prochaine sortie en salles.

Le Britannique Fyzal Boulifa, originaire du Maroc, déjà primé à Londres et Angers pour son court-métrage Whore (2010), a remporté le prix Illy du court-métrage pour son troisième court intitulé The curse. Dans un esprit de "chercher le beau et le neuf, le faire émerger et le promouvoir", le jury de ce partenaire de la Quinzaine des Réalisateurs a remis au lauréat une dotation financière d'un montant de 2.500€ pour l'encourager.

Le Franco-égyptien Namir Abdel Messeh, réalisateur du documentaire La vierge, les coptes et moi, revenait de loin. Après s'être brouillé avec son producteur et avoir monté seul son film dans un local associatif parisien, il a obtenu en 2011 le Grand Prix du Doha Tribeca Film Festival (Qatar) ainsi que plusieurs sélections internationales. Fort de son succès auprès du public cannois, La vierge, les coptes et moi a trouvé un distributeur français : Sophie Dulac Distribution. Une victoire à mettre au compte de l'Association du Cinéma Indépendant pour sa distribution (Acid) qui l'avait sélectionné et qui œuvre depuis vingt ans à "soutenir la diffusion en salles de films indépendants".

Hors compétition, le pavillon

En dehors de ces multiples sections officielles ou parallèles se tenait un autre lieu promouvant les cinémas d'Afrique : le pavillon Les cinémas du monde. Depuis 2009, ce pavillon héberge conférences et rencontres autour de l'Afrique, comme cette année : la présentation du fonds Aide aux cinémas du monde cogéré par le CNC et l'Institut Français, la place des cinémas itinérants dans l'économie cinématographique africaine organisé par le CNA, le lancement de la plateforme VOD d'Africafilms.tv, le projet DocMonde d'Africadoc...

Situé au cœur du Village International, le pavillon Les cinémas du monde est organisé par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), l'Audiovisuel extérieur de la France (RFI, Monte Carlo Doualiya, France 24, TV5 Monde) et Canal France International. Valorisant les réalisateurs issus d'Amérique latine, d'Asie du Sud-Est et d'Afrique, sa "Fabrique" permet aussi d'inviter des cinéastes à se frotter au milieu professionnel.

Cette année, sur les 10 réalisateurs sélectionnés, 3 provenaient d'Afrique : Majdi Lakhdar de Tunisie (Please yourself with the worst); Kivu Ruhorahaza du Rwanda (Jomo) et Luck Razanajaona de Madagascar (Song of Tlou).

Accompagnés de leur producteur, les cinéastes ont eu l'opportunité de rencontrer de nombreux professionnels et de décrocher, comme le réalisateur malgache Luck Razanajaona, un prix Éclair lui assurant la prise en charge de la post-production de son long-métrage par les laboratoires français.

Sur le marché, l'état de fait

Un autre moyen d'être visible pour les pays africains est d'être présent sur le Marché du Film. Véritable festival au sein du Festival, cette nébuleuse située entre Pantiero et le Village International ainsi qu'au sous-sol du Palais des Festivals nécessite un minimum de moyens.

Pour la modique somme de 4.460€ (2.925.568FCFA), le producteur ou distributeur lambda pourra s'équiper d'un stand de 9m2 au sein du Palais, de la Riviera (5.590€ / 3.666.800 FCFA) ou du Lérins (6.300 € / 4.132.529 FCFA), ce tarif incluant fort heureusement l'équipement du stand, la présentation dans le Guide professionnel du Marché et la base de données Internet ainsi que 3 badges d'accès au Marché.

S'il souhaite projeter un film de 110 minutes maximum (l'excédent lui sera facturé) dans l'une des 34 salles numérique ou argentique du Marché, le professionnel devra aussi s'acquitter de frais de location allant de 580€ (380.456 FCFA) à 2.040€ (1.338.152FCFA) selon la grandeur de la salle et l'équipement nécessaire.

S'il souhaite en plus se faire connaître par le biais d'un affichage publicitaire, il lui faudra dépenser au minimum 900€ (590.361 FCFA) par semaine pour une bannière sur la page Internet du Marché du Film et au maximum 16.400 € (10.757.695 FCFA) pour un Event Package incluant de la publicité dans le Pocket Guide du Marché, à l'entrée des cinémas du Riviera ou du Lérins, sur le site Internet de Cinando.com et sur les contre-marches !

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que seuls 13 pays africains aient investi dans un déplacement. 6 étaient au Palais (Burkina Faso, Gabon, Kenya, Madagascar, Rwanda, Sénégal) tandis que 7 avaient loué un pavillon sur le bord de mer (Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Maroc, Nigéria, Tunisie). Dans cette représentation, il est à noter que les invités du pavillon "Les cinémas du monde" comme le Rwanda ou Madagascar étaient inscrits au Marché tandis que les attachés audiovisuels français de nombreux pays (Algérie, Congo, Égypte, Kenya, Sénégal, Afrique du Sud et Tunisie) étaient comptabilisés comme provenant de ces régions.

Les raisons d'une visibilité à payer

Se rendre visible est la mission première de tout professionnel se rendant à Cannes. Briller en haut des marches ou dans les magazines, dans les soirées cocktails ou les conférences est la règle du jeu à respecter pour exister.

Interrogés au détour d'une rencontre, plusieurs professionnels nous ont expliqué les raisons qui ont poussé leur pays à miser sur un tel déplacement. Côté kenyan, 10 professionnels se sont mobilisés "dont les comptables et les directeurs financiers pour leur expliquer l'importance d'un tel investissement". Pour cette équipe présente pour la septième année consécutive, l'objectif est de vendre leur pays comme lieu de tournage, mais aussi de développer leur réseau professionnel et de trouver des festivals de cinéma pour promouvoir leurs films. Recensant près de 250 films locaux par an, le Kenya peut aujourd'hui vanter l'augmentation "du nombre de nos salles alors qu'en Afrique de l'Ouest, celles-ci périclitent".

Côté Gabon, nous n'avons pas eu l'opportunité de rencontrer les responsables de l'Institut Gabonais de l'image et du son (IGIS) qui représentaient leur pays au Marché du Film pour la première fois. Soutenus par leur gouvernement, ce "petit cinéma" se prévaut d'une émulation locale et d'un long-métrage que l'on attend toujours sur les écrans : Le collier du Makoko d'Henri-Joseph Koumba Bididi.


Bande-Annonce (en français) du film Le collier du Makoko d'Henri-Joseph Koumba Bididi, Gabon.



Côté Maghreb, la Tunisie, le Maroc, l'Algérie et l'Égypte faisaient fièrement flotter leur drapeau au sein du Village International. Avec une cinquantaine de professionnels présents et 11 courts-métrages inscrits au Short Film Corner (la section court-métrage du festival), la Tunisie s'implique depuis l'ouverture du Village International en 2000 pour vendre et promouvoir ses courts-métrages mais aussi pour attirer des producteurs à domicile.

Même constat côté Maroc présent depuis sept ans sur la Croisette. Avec une vingtaine de professionnels présents et 3 films en sélection, ce royaume pouvait se vanter en 2009 d'être classé première destination mondiale de tournage avant la France et la République Tchèque par le magazine américain Variety. Passé de 8 à 24 longs-métrages nationaux par an entre 2003 et 2012, le Maroc est "le pays le plus primé dans le monde arabe et africain" selon Abdelkhalak Sakhi du Centre Cinématographique Marocain (CCM). Présent à Cannes pour promouvoir les tournages étrangers dans son pays et valoriser les productions nationales, ce pays bénéficie aujourd'hui d'une dynamique cinématographique importante qui repose justement sur les retombées économiques des tournages étrangers, le fonds d'aide à la production soutenu par le gouvernement et l'implication de jeunes cinéastes vivant au Maroc ou à l'étranger pour porter son flambeau.

Côté nigérian en revanche, la barrière linguistique limite le nombre de conviés. Présents à Cannes depuis 2006, le Nigéria présentait cette année un film au marché, "les autres en marketing propre ou en projection à l'intérieur du pavillon". Pour Abayomi Durojaiye de la Nigerian Film Corporation, la présence nigériane - pour promouvoir ses films, développer des coproductions et rencontrer des festivals - est minime par rapport aux marchés anglophones du film.

Pour connaître le nombre de professionnels effectivement présents à Cannes cette année, il faudra attendre plusieurs mois. Puisque leur proportion ne représentait qu'1% en 2010 (116 sur 9829 participants), il ne reste qu'à espérer qu'en 2012 et 2013, leurs gouvernements investiront en faveur d'une constante augmentation.


Claire Diao
Clap Noir


Lire
Cannes : choc des cultures et "rapports" Nord-Sud
www.clapnoir.org/spip.php?article856

Claire Diao
Clap Noir

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