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Madagascar : les films courts tiennent la distance
analyse
rédigé par Karine Blanchon
publié le 31/03/2008

Pour la troisième année consécutive, les courts métrages seront à l'honneur des Rencontres du Film Court de Madagascar du 22 au 26 avril 2008 à Antananarivo.

Le cinéma malgache est en pleine effervescence et pour cause : les productions de films vidéos ne se sont jamais aussi bien portées. Elles sont en croissante augmentation sur l'île Rouge et des festivals nationaux commencent à voir le jour.
Après Cannes Junior en 2000, la "semaine du cinéma malagasy" en 2002, voici que reviennent les Rencontres du Film Court. Initiée en 2006 par le réalisateur malgache Laza, en collaboration avec Rozifilms et le Centre Culturel Albert Camus (CCAC), cette manifestation permet aux jeunes cinéastes locaux de présenter leurs œuvres devant un jury de professionnels. D'une durée maximale de quinze minutes, leurs films sont jugés en fonction de critères esthétiques, techniques, et de leur originalité. Le court métrage ne nécessite pas un temps de réalisation et un budget trop importants, ce format convient donc parfaitement aux modes de productions en vigueur à Madagascar. De fait, lors de la première édition, trente-cinq concurrents ont participé. Il s'agissait pour la plupart de leurs premiers pas derrière une caméra. Douze films ont ainsi été retenus et présentés en sélection officielle. Etalé sur trois jours, ce festival a également donné lieu à des tables rondes autour de la création cinématographique à Madagascar. Le palmarès a récompensé Jiva Eric Razafindralambo pour son film d'animation en 3D Le jour se lève…puis se couche. Le second prix a été attribué au documentaire Saphira d'Alain Rakotoarisoa et enfin Jean Heriniaina Rakotoarisona reçu le troisième prix pour Mora Mora. Le jury a également attribué une Mention Spéciale au film d'Anil Kessavdjee et Tiana Lanto Rabearison intitulé La Boule Noire.
La majorité de ces lauréats étaient des débutants. Ainsi, Jiva Eric Razafindralambo est un autodidacte qui a appris le cinéma dans les livres et dans les forums de discussion sur internet.
Réalisateur d'un premier court métrage d'animation, Les âmes du clocher, en 2005, il récidive avec succès l'année suivante en participant aux Rencontres avec Quand le soleil se lève... puis se couche. Ce film d'animation a nécessité près de sept mois de travail pour huit minutes trente d'images. Il montre un agriculteur en train de labourer sa rizière, qui, épuisé par ce travail répétitif, s'endort à l'ombre de son zébu. Lorsqu'il se réveille, il imagine que de l'autre côté de sa rizière se dressent de hauts immeubles illuminés d'or. Mais l'arrivée de son fils, inquiet de ne pas l'avoir vu rapporter le déjeuner à la maison, le ramène à sa triste condition de paysan pauvre. Ce film avait ému le public du cinquième Festival International du Film Insulaire de l'Île de Groix en 2006, touché par la poésie et la justesse du propos.
La même émotion avait été ressentie lors de la diffusion de Saphira d'Alain Rakotoarisoa. Ce documentaire de huit minutes raconte la vie d'un petit garçon joueur de flûte. Avec quelques amis, il monte un petit orchestre, et se produit dans les rues d'Antananarivo pour gagner un peu d'argent afin d'aider ses parents.
A tout juste 25 ans, Jean Heriniaina Rakotoarison n'avait quant à lui réalisé que des publicités avant de tourner son premier court-métrage, Mora Mora, Durant cinq minutes trente, le spectateur suit les péripéties de Rakoto, un jeune homme sans abri, qui dort contre le mur d'une maison, sur un tas de détritus. Comme il en a assez de recevoir chaque soir un seau d'eau sur la tête, il décide de trouver une solution pour remédier à ce problème. Ainsi, avec le peu d'argent que son travail lui rapporte, il achète une bâche en plastique qu'il accroche le soir venu au-dessus de sa couche pour s'abriter. Il peut alors enfin dormir au sec. Réalisé sans aucun budget, ce film mêlant humour et naïveté, a nécessité deux jours de tournage puis une semaine de montage. Jean Heriniaina Rakotoarison en est à la fois le réalisateur et l'acteur principal.
À l'issue de ces premières Rencontres du Film Court, plusieurs propositions ont été émises pour développer le cinéma à Madagascar. Tout d'abord, un ciné-club a été créé afin de former les jeunes réalisateurs en leur permettant de visionner des classiques du septième art. Une association a également vu le jour, présidée par Jiva Eric Razafindralambo afin de "sensibiliser les apprentis cinéastes à la communication visuelle (1)". Composée de 36 membres dont 16 actifs, IRIS a organisé la seconde édition du festival en 2007.
Le thème était cette fois orienté vers les liens unissant photographie et cinéma puisque ce festival se déroulait en même temps que PhotoAna, la biennale de la photographie à Madagascar. Sur les 27 courts métrages présentés cette année-là, quatorze ont été sélectionnés pour la compétition officielle. Le premier lauréat, Rado Andriamanisa, réalisateur de Kôzy Vaïn (X Vision) s'est vu remettre une invitation au Festival Off-Courts de Trouville ainsi qu'une formation technique à la production d'un court-métrage kino. Pour ce jeune réalisateur de 27 ans qui avait auparavant tourné des clips musicaux pour quelques célébrités nationales, il s'agissait là de premiers pas encourageants dans le septième art. Son film relate une succession de cauchemars que chaque personnage s'imagine réels. Le second prix a été attribué à Enfants des rues de Tovoniaina Rasoanaivo qui a quant à lui été invité à participer à la compétition officielle du Festival d'Afrique et des Îles de l'île de la Réunion. Ce documentaire de onze minutes cinquante évoque la vie difficile de Njaka, un enfant qui essaie de survivre dans la rue. Enfin, le troisième à être récompensé, a été la fiction Tafasiry (Il était une fois des enfants) de Toky Andriamahazosoa qui a représenté Madagascar au Festival de Durban en Afrique du Sud. Ce court-métrage d'un peu plus de dix minutes évoque l'arrivée d'un voyageur dans un village où il découvre que tous les enfants ont disparu. Le prix spécial du jury est revenu au film expérimental Rompre le silence de Rina Ralay Ranaivo. Une mention spéciale a également été attribuée au documentaire de Benoît Delamare pour Ambony ambany (En haut, en bas).
Fort du succès de ces deux éditions, l'association IRIS et le Centre Culturel Albert Camus remettent ça en 2007 avec au programme des projections bien sûr, mais aussi des tables rondes et un atelier de formation au concept québécois de cinéma kino. La sélection sera par ailleurs élargie à l'Océan Indien et à l'Afrique. Les vainqueurs se verront remettre des invitations dans les festivals internationaux de courts métrages dans la région et en Europe.
Le jeune cinéma malgache peut donc s'enorgueillir d'être parvenu en quelques années à sortir des frontières du pays en proposant des films courts dont la qualité ne cesse de progresser.

Karine Blanchon

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