AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 168 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Dialemi (Elle s'amuse), de Nadine Otsobogo, 20 mn fiction, Gabon
L'artiste, la muse, le milieu
critique
rédigé par Alioune Ndiaye
publié le 25/05/2015
Alioune Ndiaye (Africiné)
Alioune Ndiaye (Africiné)
Nadine Ostobogo, réalisatrice gabonaise
Nadine Ostobogo, réalisatrice gabonaise
The Muse (peinture de Gabriel de Cool, 1895)
The Muse (peinture de Gabriel de Cool, 1895)

"Décor de sable de mer et de ciel, un cabanon sur la plage, une trace de pas, un pas de femme. Un endroit idyllique. Un homme couché sur son lit, le visage baigné de lumière, il dort paisiblement. Une belle musique sort de la radio. Une femme approche de son lit, et tout d'un coup, la porte, sous l'effet du vent claque violemment. Réveil brutal, ce n'était qu'un rêve."

Dans un magnifique bord de mer, un vieil sculpteur cherche à dompter un bloc de pierre, la "pierre de mbigou". Ce bloc est là, refusant de se donner. Le burin l'écorche, mais elle reste toujours rétive. Entre les promenades sur la plage et les cours qu'il donne aux enfants, le vieil sculpteur cherche l'inspiration. Subitement, apparait une jeune femme, belle et mystérieuse, dont on ne sait si elle rêvée ou réelle. Elle arrive à l'improviste et repart comme par enchantement. Elle apparait toujours en musique. Parfois elle parle, danse, rit ou fait l'amour avec lui. À cause d'elle, il s'est même blessé une fois… Ces apparitions lui font du bien : la pierre de mbigou devient amie avec son burin, les coups deviennent caresses et l'œuvre prend forme.



Avec Dialemi, Nadine Otsobogo, chef maquilleuse, dans beaucoup de productions africaines et internationales, signe un court-métrage qui rend compte, de manière très efficace, des rapports entre l'artiste et sa muse, l'artiste et son milieu. Le rapport entre travail et inspiration est filmé au plus près. À travers l'image, tantôt c'est l'artiste qui observe et tente d'apprivoiser le matériau, tantôt on a l'impression que c'est l'œuvre en construction qui observe son créateur.
Le film est tourné dans un magnifique décor de plage et de forêt oà l'artiste, semblable à cet oiseau blanc qui picore paisiblement dans les hautes herbes, vit paisiblement, en parfaite osmose avec l'endroit.

Cet homme solitaire retranché dans son morceau de plage refuse la célébrité et vit un rapport lointain au marché de l'art. A cet égard, ce court métrage est une critique du monde artistique qui apparait - à travers la figure de l'homme blanc qui fait "réparer" son masque -, bien mercantile. Cet homme-là est ainsi la métaphore de l'art traditionnel vidé de toute sa symbolique "magique", en devenant un objet "déritualisé", parce que hors de son contexte.
En refusant de faire partie de ce monde-là, le vieil homme garde sa liberté d'artiste. Il n'est pas soumis aux lois de la cote des œuvres d'art, et supporte le confort spartiate de son cabanon, qui malgré tout, lui ouvre les portes vers l'océan infini, toujours en mouvement, en constant renouvellement. Aux ors de la gloire, il préfèrera la satisfaction plus "pure" de la transmission de son art aux enfants qui vivent aux alentours. Aux plaisirs des grands restaurants, il préférera un plat qu'il échange contre une pièce qu'il aura lui-même sculptée. Aux conquêtes féminines il préfèrera la présence fantomatique de sa muse.

Alioune Ndiaye

Cette critique a été faite dans le cadre de l'Atelier d'Initiation à la Critique Cinématographique (mai 2014, Dakar), organisé par le Programme ACERCA de Formation pour le Développement du Secteur Culturel de l'AECID, Cultura Dakar (la section culturelle de l'Ambassade d'Espagne au Sénégal) et le Festival de Cinéma Africain de Cordoue-FCAT, en collaboration avec l'Institut Cervantes de Dakar, la Féderation Africaine de la Critique Cinématographique (FACC) et l'Association Sénégalaise de la Critique Cinématographique (ASCC).

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés