Le film iMANi de la réalisatrice ougandaise Caroline Kamya a été projeté à la 60ème édition du Festival international du film de Berlin (Berlinale) dans la section Forum. C'est une fiction de 82 minutes qui dévoile le combat quotidien de gens ordinaires obligés de se battre bec et ongles pour espérer s'en sortir. Le scénario est signé par sa soeur Agnes Nazozi Kamya, anthropologue.
Dans les bas fonds de la survie, les soupirs sont multiples. En Ouganda, la bataille d'une vie meilleure, qui se conjugue au pluriel, avec ses hauts et ses bas, n'échappe pas à cette ambiance, dans une société où les différentes classes sociales se côtoient sans jamais s'écouter. Partant de cette vision colorée d'images anecdotiques importées du rayon documentaire, la réalisatrice met en scène plusieurs personnages triés dans le camp des indigents.
Olweny, âgé de douze ans, interné dans un centre d'ex-enfant soldat, pour le désintoxiquer des armes.
Armstrong, danseur de break habile, qui vit le cri strident du train qui passe chaque matin non loin de sa chambre comme un poison dans son sommeil. Ce qui ne l'empêche de rêver gloire en espérant un jour mettre le monde à ses pieds, aux cotés de ses compagnons danseurs à l'affût du même idéal.
Il y a aussi cette servante dans une maison huppée de Kampala. Chez elle, pas d'autre séduction que le visage d'une âme secouée par de multiples épreuves, qui lui ont conféré le don de la soumission servile et une dévotion absolue pour ses proches.
La musique, omniprésente dans le film, scande les pas de ces destins hésitants, ce qui permet de pardonner les incessantes balades de la caméra. On s'attache progressivement aux trois personnages qui, bien que séparés par des histoires différentes, vont se retrouver voisins dans leur soif de s'en sortir.
Le chemin du danseur va rencontrer celui de "Ghetto King", fervent adepte de coups tordus et qui ne voit pas d'un mauvais œil qu'Armstrong vienne grossir le rang de ses cerbères. Olweny, lui, est en perpétuelle lutte avec son passé d'enfant soldat, souvenir d'autant difficile à oublier qu'il est jonché d'horreurs qui mettent un point d'honneur à revenir à la surface, cadavres flottant sous les yeux de l'innocence hébétée. Rien pour pourtant ne vient rappeler violemment cette page sombre du pays, en dehors de dessins d'hommes tués. Comme si le film voulait éviter toute publicité à l'enfer, en le reproduisant dans la lutte personnelle du jeune personnage.
L'œuvre dénonce aussi la situation de certaines femmes ougandaises, toujours promptes à s'accroupir pour répondre aux directives de leur maîtres zélés. Mais il y a d'autres formes d'exploitations qui les traînent vers le lit que leur corps n'a pas désiré, et à ce jeu là le plus indigent peut aussi se transformer en maître chanteur.
Le film est une peinture sobre de la nouvelle société ougandaise. Il montre un pays déchiré entre riches et pauvres ; avec dans les villages, les rituels qui continuent à réguler la société tandis qu'en ville, les mœurs chevauchent des croyances venues de l'Occident. Imani édulcore sa gravité par une éruption musicale permanente.
Fortuné Bationo, à Berlin