Martha DIOMANDÉ est originaire de la tribu des Yacoubas dans le nord de la Côte d'Ivoire. Comme toute femme de sa génération et en yacouba authentique, elle est excisée. Mais à son âge adulte elle réalise le mal que peut causer ce rituel coutumier déjà millénaire, et qui est pratiqué dans quasiment toute la partie nord de l'Afrique, partant du lac du Tchad.
Ancienne journaliste de TV5 Monde et réalisatrice de LA FORÊT SACRÉE, Camille SARRET accompagne le personnage, Martha, de Rennes (Nord-Est de la France) jusqu'au village de Kabakouma dans la préfecture de Mann en Côte d'Ivoire. Dans ce petit village perdu dans la forêt, le personnage revient vers un souvenir qui a construit sa personnalité de femme et qui a aussi détruit la source de ses plaisirs féminins. En militante stratège, Martha veut abolir la pratique des mutilations génitales sans déposséder son peuple d'un rite qui est une trace de son identité.
Vers un rituel inoffensif
Camille pose à travers son film la question de savoir comment faire pour retirer les vices et garder les vertus du rituel d'excision. Pour ouvrir les populations de ce petit village dans la forêt au débat, toute démonstration de force est d'office vouée à l'échec en tant que stratégie. Alors peu à peu le spectateur découvre une Martha intelligente et tacticienne qui exprime sa gratitude aux siens pour lui avoir permis d'être femme à leur façon. Puis elle lance le débat sur l'excision dont tous les maux sont mis à nu face à une assistance qui le comprend aussi bien. Puis l'option de Martha sera approuvée par tous. Est-ce ici la voie pour une thérapie dans la lutte contre le mal de l'excision ? Ce rituel pourrait ainsi juste devenir un patrimoine culturel dédié au rite initiatique plus tôt que demeurer une pratique barbare.
Un film qui parle seul
Cela semble devenir la norme dans la pratique du documentaire que le fait de délaisser le commentaire en off. Comme Hassim-Tall BOUKAMBOU dans Révolutionnaire(s), Camille repose tout le discours de son film sur les dialogues des personnages. Les images qui parlent seules, constituent toute la progression du film, où le spectateur est laissé libre de se faire son opinion face aux interviews, aux scènes et à la structure du montage.
La symbolique des plans
LA FORÊT SACRÉE est un film qui a su mettre l'essentiel de son contenu thématique entre deux plans dominants : le gros plan sur le visage pour entrer dans les émotions des personnages et le plan d'ensemble pour ramener constamment le spectateur aux différents endroits qui sont les sources des émotions de ces personnages. Par contre les lumières du jour seront utilisées pour appuyer l'espoir d'une illumination nouvelle souhaitée dans les mœurs de ce peuple yacouba. Vivement que le caractère barbare de ce rite cède la place à un rituel humaniste.
par Mouktar M. SOBI