Cinq ans après le sacre de son premier long métrage Atlantique au festival de Cannes (Grand Prix du Jury), Mati Diop remporte le plus haut sacre d'une des plus importantes compétitions cinématographiques mondiales.
Mêlant documentaire et fantastique, Dahomey suit le retour de 26 œuvres béninoises depuis Paris, jusqu'à leur arrivée à Cotonou en novembre 2021.
C'est en écoutant le président français Macron, en visite à Ouagadougou en 2017 se déclarer favorable aux restitutions du patrimoine africain en Afrique que l'idée de suivre ce retour historique s'est imposée à la réalisatrice qui filmera ce récit en pleine période de confinement dû au Covid.
Bénin, anciennement Royaume de Dahomey (dont Abomey fut le nom de la capitale) fut victime de pillage à la fin du 19eme siècle par les troupes françaises. Les œuvres seront jusqu'alors conservées dans les musées français. Depuis les années 50, diverses pressions de pays africains et de quelques institutions internationales se font entendre. En 2016, le président béninois Talon demande officiellement à la France de remettre les objets culturels dérobés durant la colonisation.
Mati Diop va capturer le voyage de 26 œuvres et mettre en scène voix et réflexions animées, leur donnant ainsi la parole et l'opportunité d'exprimer leur expérience sur le retour aux terres natales. Ces objets d'art ne sont plus de simples numéros simplement exposés dans un musée mais de véritables chefs trésors, attendus et accueillis par leur ascendants et ascendantes, privé.e.s de leur présence depuis toujours.
Débats s'ensuivront en effet entre ces jeunes à l'occasion d'échanges houleux à l'université d'Abomey-Calavi. Ils et elles se questionnent quant au retour des trésors à la maison : pourquoi seulement 26 œuvres sur des milliers ? Quid des autres ? Sommes-nous prêt.e.s ? Pourquoi maintenant ?
L'auteure filme aussi l'atlantique, personnage omniprésent dans ses œuvres précédentes (Atlantique (2019), Atlantiques (2009). Ici, comme passage obligé de ce voyage retour mais surtout comme océan déjà témoin des pillages au 19eme siècle.
Certes Dahomey était l'œuvre la plus courte de cette compétition internationale (67'), mais l'intensité qui en dégage a manifestement marqué le jury présidé par l'actrice Kenyane-mexicaine Lupita N'yongo (Twelve Years A Slave, Black Panther).
Pour présenter son film, la cinéaste était accompagnée de trois comédiens du film : les étudiant.e.s Habib Ahanes, Joséa Guedje, et de Gildas Adannou, qui n'est autre que le premier assistant réalisateur du film.
Dahomey est un film qui tombe à pic alors que le débat autour de la restitution d'œuvres d'art bat son plein. La talentueuse Mati Diop (qui pour cette œuvre a lancé sa boite de production Fanta Sy au Sénégal) signe ici une œuvre puissante, lourdement intelligente et historique.
Djia Mambu
