LM Fiction de Mama Keïta, France / Sénégal, 2009
Sortie France : 22 janvier 2014
L'absence évoquée par le titre de Mama Keïta, pourrait être d'abord celle de la représentativité des cultures africaines sur les écrans français. Même si une dizaine de films du continent arrivent chaque année à trouver une porte étroite vers les salles de cinéma, leur pourcentage reste infime en regard de la diversité des productions. La diffusion de L'absence, six ans après sa réalisation, est soutenue à bout de bras par son auteur qui en est à la fois le coproducteur et le distributeur. Un triple rôle, souvent assuré par les cinéastes africains réputés des années 80, mais qui reste exceptionnel pour les réalisateurs inscrits dans le cinéma en France, comme Mama Keïta.
L'Absence_BandeAnnonce from sebastien touta on Vimeo.
Depuis les années 90, l'auteur développe les questions et les croisements de ses origines métissées dans des films nerveux, en prise aux morales d'une société française en quête de repères. Il flirte avec le polar existentiel pour
Ragazzi, 1990, investit les codes de l'amitié par
Le 11ème commandement, 1997, de la dualité avec
Le sourire du serpent, 2006, tout en effectuant une plongée vers des origines africaines dans
Le fleuve, 2002, inspiré par le projet inabouti de son collègue guinéen
David Achkar, décédé avant le tournage. Cette aventure indique la proximité avec l'Afrique qui sous-tend le discours de
Mama Keïta.
Le cinéaste, conçu à Marseille, né à Dakar, comme il aime à le rappeler, au gré d'une affectation de son père, militaire de carrière d'origine guinéenne, est aussi le fils d'une Vietnamienne, touchée par la guerre d'Indochine et le retour tardif, douloureux, dans un pays qui lui sera devenu étranger. Dans ce contexte, l'éducation en France fixe
Mama Keïta dans un territoire sans combler des failles. Il les creuse par ses films, sa participation aux prises de position des cinéastes africains, sa circulation dans les rendez-vous des professionnels du continent.
"La France est devenue par la force des choses mon pays d'ancrage", confie le réalisateur. "Mais subsiste une personne en "absence", condamnée au morcellement, à une sorte d'exil intérieur." Et c'est sur axe qu'il construit le scénario de
L'absence. Son héros est Adama, un polytechnicien du Sénégal, bien implanté en France depuis 15 ans. Le retour au pays est motivé par des nouvelles alarmistes sur l'état de santé de sa grand-mère. Mais il la trouve en forme, comme sa sœur, muette, qu'il reconnaît à peine. Le dépaysement est total pour ce héros, costumé à l'Européenne, qui semble avoir tourné le dos au passé.
Les réalités du Sénégal sont intenses et rattrapent vite l'exilé. Il éprouve son désajustement en retrouvant son ami d'enfance, se fait sermonner par son ancien professeur et surtout reçoit un choc en découvrant que sa sœur est sous la coupe d'un proxénète brutal. Piqué dans son honneur, il la rejette puis tente de la protéger lorsqu'elle est pourchassée par les malfrats de la ville. La réflexion sur l'exil prend alors des allures de polar, mené tambour battant dans la nuit. Servi par un chef opérateur complice,
Rémi Mazet, un sens de la mise en scène efficace,
Mama Keïta semble pourtant alourdir son propos par l'ambition de métisser les genres.
L'ABSENCE de Mama Keita EXTRAIT 2 par IsabelleBuron
L'absence est relayée par le jeu intériorisé de
William Nadylam, vu dans
White material de
Claire Denis, 2007, qui joue Adama avec raideur. Sa partenaire,
Jackie Tavernier, qui campe la sœur muette, est presque éclipsée par les apparitions d'acteurs sénégalais réputés dans des seconds rôles forts, tel
Omar Seck en professeur intransigeant,
Thierno Ndiaye Doss en aveugle clairvoyant. On retrouve aussi
Mouss Diouf, connu par la série
Julie Lescaut, en souteneur violent. Ces trois acteurs, disparus depuis le tournage, impriment en creux leur trace dans les images de Dakar, comme un écho à
L'absence dont traite
Mama Keïta.
La fiction s'avère un constat amer sur l'écart des cultures, le passage du temps, le reniement. L'enfance, évoquée en flash back fugitifs, laisse entrevoir la fragilité des origines. En côtoyant les falaises, les gouffres, les Sénégalais tentent d'échapper à l'enfermement par une course que le film de
Mama Keïta s'épuise pour sa part, à rattraper. Freiné par les accidents de parcours, le cinéaste force le ton pour retenir l'attention, en déclarant : "J'appartiens à cette génération d'origine africaine, élevée et formée "ailleurs", qui ne peut se dispenser d'un questionnement critique devant la tragédie actuelle de l'Afrique. Comment témoigner et porter la voix de ce continent à la dérive, que faire pour contribuer, chacun à sa mesure, même de loin, à son essor."
L'ABSENCE de Mama Keita EXTRAIT 3 par IsabelleBuron
La page FACEBOOK du film :
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Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)