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Ouaga Saga
de Dani Kouyaté
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 28/06/2004

Cela commence sur des scènes de rues, des ambiances, des bribes de dialogues, le marché : Ouagadougou est le sujet de ce film, un vrai personnage, mais cela est fait sans prétentions, si ce n'est de témoigner de la vitalité de jeunes d'un quartier populaire luttant dans la bonne humeur pour la survie quotidienne. Tout concourre à retourner l'image misérabiliste colportée par les médias sur les villes africaines : leur groupe est solidaire, débrouillard, plein d'humour. Ils s'ennuient comme toutes les bandes d'ados au monde et montent des coups tordus pour se faire des ronds, comme revendre en pièces détachées la motocyclette volée en groupe, ou bien trouvent des petits boulots. Leurs rêves ne sont pas réalistes mais les font vivre, comme ce cinéma qui les fascine et qu'ils se racontent même s'ils ne peuvent le voir faute d'argent pour entrer dans la salle. L'argent : l'éternel nerf de la guerre. Et si le PMU apportait "la fortune en bout de course" ? Un vrai conte de fées : le féticheur aidera à décrypter les courses en direct de Paris ! Car le rapport Nord-Sud continue de déterminer leur vie : Dani Kouyaté se fait un malin plaisir de le rappeler par des clins d'œil. L'image Banania est encore là, sur la boîte utilisée pour cacher le magot. "Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France", lançait Senghor. Dani n'a plus cette ambition : Banania est là, on fait avec et on assume le présent en le prenant avec humour, ce qui ne veut pas dire qu'on y perde en conscience, mais c'est que l'identité de ces jeunes est composite, même si les esprits des tirailleurs Banania continuent de tourmenter ceux qui n'ont pas vécu la colonie.
C'est l'état de cette Afrique complexe et contradictoire que documente ainsi Dani Kouyaté, sans sentences ni gravité, simplement un constat d'optimisme : ces jeunes ont l'énergie de s'en tirer. Il ne leur manque que les moyens. Un peu de magie qui fait rêver et le tour est joué : le film multiplie les effets spéciaux qui font parler les ânes ou apparaître des visions dans des jaillissements d'étoiles. Et alterne volontiers scènes dialoguées et passages documentaires : on est jamais loin de cet ancrage dans la réalité, chacun s'y reconnaîtra. Car ce film est avant tout fait pour son public immédiat, produit télévisuel enjoué qui saura capter la sympathie des salles ou coures africaines en leur offrant une image dynamique de soi tout en invitant à l'optimisme, la solidarité et la débrouille. Ses acteurs sont bien présents, et on reconnaît Thomas Ouedraogo qui, plus jeune, était le gamin de Voyage à Ouaga de Camille Mouyeke. Le rythme est soutenu, avec une large place laissée à la musique, les chansons et les danses. Bien mené, le film propose sans cesse un jeu au spectateur où le cinéma est à la fois référence et regard : cette chronique ne cherche pas à induire une identification mais une relation ludique où l'on se reconnaît et si ce n'est pas dans les conditions de vie parce qu'on leur est étranger, c'est dans la pêche qu'ont ces jeunes pourtant bien démunis. Belle leçon et beau produit pour les télévisions africaines ou autres : délaissant un moment les grands films de cinéma (Keïta, l'héritage du griot et Sia, le rêve du python), Dani Kouyaté s'investit dans une logique de proximité déjà explorée avec des séries humoristiques comme A nous la vie et, avec une équipe compétente et enthousiaste, réussit son pari.

Olivier Barlet

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