Une vue panoramique sur la plage et la ville introduit progressivement les spectateurs dans l'intrigue du film. Un épicier, après avoir constaté la disparition de son frère jumeau, se lance dans une enquête sans espoir qui lui fera découvrir à quel point la corruption sévit et pourrit le système jusqu'au plus haut sommet de l'état.
Financé à hauteur d'1 milliard 350 millions CFA [2,058 millions euros], Un pas en avant a le mérite de dénoncer certaines tares bien connues de la société.
En cela, le message est réellement accrocheur et il est indiscutable que l'auteur d'Africa Paradis (qui a eu un très bon accueil public) s'est complètement mouillé pour concrétiser ce projet. Or, l'adage est bien connu, on ne fait pas de bons films avec de bons sentiments.
En effet, Un pas en avant pêche par une absence surprenante de professionnalisme. Par exemple, le montage est totalement dénué d'une continuité qui lui aurait permis d'adopter un rythme approprié. Ce défaut crée ainsi une insuffisance narrative qui pourrait perturber le spectateur, totalement perdu dans ce labyrinthe. Surgit alors la question de l'existence d'une réelle intention de faire du cinéma, l'envie de réfléchir, de se triturer l'esprit, de convoquer le langage cinématographique, d'être finalement dans une dynamique artistique.
Ajoutez à cela, une très mauvaise direction d'acteur qui continue de soulever la sempiternelle question dans les cinémas d'Afrique subsaharienne, à savoir l'incapacité des comédiens(nes) de s'imbiber de leurs rôles. Regrettable constat quand on sait que des acteurs de renom tels que Sidiki Bakaba, Fatou N'Diaye ou Thierry Desroses ont joué dans le film. Il est important de comprendre pour quel public ce film s'adresse t-il ?
Par définition - et cela peut être perçu comme une idée radicale - tous les films doivent sensibiliser de quelle que manière qui soit. En l'occurrence, le dernier film d'Amoussou aurait du mal à s'exporter tant les messages sont centralisés autour d'une géographie précise : l'Afrique, le Bénin.
Or, ne nous voilons pas la face, la corruption n'est pas une exception propre au continent noir, même si Amoussou ressort certains clichés familiers (escroquerie des aides humanitaires, recherche d'intérêt de la France, politique des gros bras).
Ce traitement assez ambigu parce que très peu développé est l'apanage des gens désirant aller vite dans la réflexion.
Tout y passe et le public prend un malin plaisir à se gargariser de clichés souvent rebattues au coin d'un bistrot, d'une ruelle ou en famille. Le bas blesse certes, mais Sylvestre Amoussou profite de ce discours pour faire passer sa pilule, quitte à être violent. L'Autre devient manichéen, sans une totale autonomie réflective, une sorte de zombie au service d'une cause terrible : les bons sentiments. Cette manière de caresser le public dans le sens du poil donne une oeuvre dénuée du moindre relent cinématographique, quelque chose de gratuit et de malsain à la fois.
Au final, le public trouvera ce film divertissant car il aura eu l'occasion de vivre un présent correct (aller au cinéma devient alors un acte social). Et c'est là où le problème réside ; dans cette incapacité à bousculer le public, à le plonger durant plusieurs jours dans un véritable et nécessaire questionnement.
Charles Ayetan, Samir Ardjoum, Hector Tovidokou
Version de l'article paru sur papier le Jeudi 03 mars 2011, Bulletin Africiné n°15 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°4, p. 4.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique
Cinématographique (FACC) avec cette année le soutien du FESPACO, du ministère français des Affaires étrangères et d'Africalia.
Il est rédigé par des membres de la FACC présents au Fespaco 2011, venant de 9 pays d'Afrique.