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ZAMAN DARK. Crever la vie au Liban
Un long métrage fiction de Christophe Karabache, Liban, 2023
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 15/04/2024
Christophe Karabache, réalisateur franco-libanais
Christophe Karabache, réalisateur franco-libanais
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Scène du film ZAMAN DARK
Beirut Kamikaze (2010)
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Too Much Love Will Kill You (2012)
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Dodgem (2013)
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Sadoum (2015)
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Lamia (2015)
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Zeitgeist Protest (2016)
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ultravoKal (2018)
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Vortex (2020)
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Venus Obscura (2017)
Venus Obscura (2017)
Christophe Karabache, réalisateur et co-scénariste de DARK ZAMAN
Christophe Karabache, réalisateur et co-scénariste de DARK ZAMAN
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE

Sortie France : 17 avril 2024
Distribution (France) : Visiosfeir Distribution

Depuis 2012, Christophe Karabache donne régulièrement des nouvelles du Liban meurtri, en crise, par ses longs-métrages de fiction pulsionnels et offensifs. Après Sadoum, 2015, il enchaîne Zeitgeist Protest, 2016, Venus Obscura, 2017, ultravoKal, 2018, Vortex, 2019, Kamaloca, 2021. Des films tournés en France, en Belgique mais surtout au Liban qui les innerve.
Un rythme soutenu, enrayé par la pandémie du Covid qui n'altère pas la détermination du cinéaste libanais, toujours prêt à dégainer un court-métrage indépendant. Car Christophe Karabache mord la pellicule et dévore les images numériques comme ses personnages avalent de la chair humaine dans Zaman Dark, 2023. Une production libre, soutenue par une poignée de complices dont le producteur distributeur Elias Sfeir.



Dans cette nouvelle fiction, Khattar et Anaïs forment un couple isolé, retranché dans une maison délabré, en marge de Beyrouth. Ils auraient été des scientifiques audacieux, écartés de leur laboratoire. Ils prolongent leurs expériences en consommant de la chair humaine soigneusement préparée. Leur marché est alimenté par les victimes qu'ils saignent allègrement. Un jour, ils s'orientent vers les montagnes, gagnent les hauteurs vers un rendez-vous mystérieux. Ils passent un tunnel comme on pénètre dans la deuxième moitié du film.
Ils se heurtent alors à trois jeunes hommes armés et une femme, qui chasseraient les sangliers. Le couple se fait malmener. L'homme est détroussé, humilié, la femme prise comme un objet sexuel, disparaît. Commence alors une autre étape pour Khattar : fournir de la chair fraîche à une consortium de riches puissants via les commandes d'un intermédiaire. En retour, il reçoit des armes de sniper, de l'argent frais. Ce qui n'empêche pas le gout de la vengeance ni de l'anthropophagie.

Le scénario de Zaman Dark, écrit avec May Kassem, peut paraître simple. Le cinéaste en tire "un film atmosphérique, minimaliste et allégorique, fait comme un cauchemar dystopique, une angoisse profonde, mais également un miroir de notre temps incertain." Le pourrissement ambiant, des discours entendus à la radio sur la faillite du Liban, crachent une resonance certaine avec la situation du pays. Mais ce sont surtout les personnages qui cristallisent la violence, la faim carnassière des êtres, les pulsions pour survivre, la pression pour assouvir le sexe. Karabache les jette dans son film comme "des personnages décalés, écroulés dans un pays, le Liban, qui s'effondre socialement, économiquement et politiquement. Pas de gentils, pas de méchants, les choses sont complexes et tout le monde participe à la degradation."
Ce chaos vécu et orchestré par le réalisateur libanais brasse la pourriture, la chair humaine déchiquetée, dévorée, le sexe dévoyé, la fascination pour les armes destructrices avec la beauté des paysages libanais, ténébreux, glacés ou percutés par le soleil. Des compositions obliques d'images, des plans presque abstraits assurés par Aurélian Pechméja, le chef opérateur privilégié du cinéaste, viennent bousculer l'ordre des choses et des visions. Les couleurs sont froides, les nuits zébrées de flashs, de lumières, d'ombres horrifiques. Le tout baigné par une bande sonore soignée où plannent les musiques sombres, pénétrantes, de Michel Duprez et Gwenaël Mario Grisi.

Christophe Karabache qui assure lui-même ses montages, larde ses plans longs, aux dialogues épars, de fulgurances d'images brèves, intrigantes et menaçantes qui contribuent à son atmosphere tendue. Comme à son habitude, il oscille entre les genres, les malaxe comme de la viande hachée pour developer un ton personnel, cru et percutant, perturbateur, projetant "une vision âpre, sombre, hallucinée qui transpose sensoriellement le réalisme, bascule le film entre le figuratif et le fantastique pour s'enfoncer dans des ténèbres mystérieuses de la vie de ces personnages tourmentés."
Chez Karabache, les acteurs figurent, ils éructent, se caressent, se blessent, se dévorent, s'entretuent. Nida Wakin et Raïa Haïdar, rompus aux rôles forts, assument les morsures carnivores de ces héros dévastés, dévastateurs. Hantés, charnels comme des fantômes dévorants, lucides et aveuglés par un pays cruel, devenu sauvage, les destins de Zaman Dark brûlent les paupières. Avec ses ellipses appuyées, ses outrages, ses transgressions, le fil et la finalité du récit se perdent parfois dans les manipulations du cinéaste, ses visions, ses obsessions. Mais Zaman Dark s'incruste comme une lame en tranchant les résistances, les réticences. Tel un dard qui n'en finirait pas de faire exploser les viscères.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / Médias France), pour Africiné Magazine

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