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Enjeux du cinéma dans l'Océan Indien
entretien
rédigé par Claire Diao
publié le 07/10/2013
Mohamed SAÏD OUMA, directeur du FIFAI.
Mohamed SAÏD OUMA, directeur du FIFAI.

Le Festival international du film d'Afrique et des îles (FIFAI) célèbre sa 20e année.

Initiées à la fin des années 1980 par la Fédération Abel Gance et le cinéphile Alain GILI, les " Journées du documentaire ", devenues en 1993 " Journées du cinéma d'Afrique et des Iles " se sont structurées en Festival international du film d'Afrique et des îles (FIFAI) en 2003. Basé dans la ville du Port au Nord de La Réunion (France), le FIFAI est un carrefour entre l'Europe, l'Afrique et l'Asie. Mohamed SAÏD OUMA, directeur du festival, revient sur les enjeux de ce festival situé dans l'Océan Indien qui célébrait, du 02 au 06 octobre 2013, sa 20e année.

 

Genèse du FIFAI : montrer des images d'ailleurs

 

C'étaient des rencontres cinématographiques dans les années 1980, jusqu'au milieu des années 1990, initiées par la Fédération Abel Gance et Alain Gili. Cela partait du principe qu'il fallait montrer des images d'ailleurs et des images de La Réunion aux Réunionnais. C'étaient des projections ambulantes avec des rencontres sur des périodes pas très fixes, une fois dans l'année comme une fois tous les deux ans. C'était un peu la période d'essai et c'est à partir de là qu'est née l'idée de se consacrer au continent africain.

 

La compétition : de 5 à 3 prix officiels

 

Nous avions un prix Documentaire et un prix Fiction ; mais nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas donner de prix conséquents aux réalisateurs de la compétition documentaire ou fiction long-métrage. La deuxième idée forte, c'est que nous sommes un festival très régionaliste. Notre principal objectif c'est de promouvoir le cinéma de la zone réunionnaise ou des îles voisines avec le prix Fé Net Océan Indien (5 000€) qui différencie et caractérise le FIFAI. Nous souhaitons augmenter chaque année la valorisation de ce prix, à travers les festivals partenaires [à Madagascar, Maurice, les Comores, l'Afrique du Sud, le Mozambique, l'Allemagne, l'Algérie, la Guadeloupe, Cuba et le Brésil, ndlr] mais aussi un accompagnement pour la traduction ou la mise en réseau sur une à deux éditions. Nous avons aussi un Prix du Public (non doté) parce que c'est un prix très important pour les réalisateurs et un Prix Jeunesse (2 000€), car nous menons un programme d'éducation à l'image tout au long de l'année.

 

Équipe : d'1 à 15 personnes

 

Avant, nous étions deux permanents, Alain Gili et moi ; mais il est parti à la retraite. Je suis maintenant tout seul à l'année, ce qui est un grand travail avec les problèmes budgétaires, la crise, les subventions qui stagnent. Pour la préparation du festival, j'ai une équipe de quinze personnes environ qui augmente trois mois avant le festival.

 

Durée : de 10 à 4 jours

 

Nous avons eu des temps de gloire (rires) allant jusqu'à dix jours de festival, avec une trentaine d'invités, presque 200 films, des projections dans toute La Réunion… Là, nous sommes dans une période très difficile où nous avons pris beaucoup de coups, financièrement et humainement, car nous nous épuisons. Un nouveau chapitre s'ouvre : encaisser les coups financiers, garder la ligne et se re-déployer pour les dix prochaines années ; en sachant qu'un festival doit se pérenniser sur des décennies pour pouvoir vraiment porter ses fruits.

 

Communication : par la télévision plutôt que l'affichage

 

Nous sommes plutôt sur la télévision (Antenne Réunion) plutôt que sur l'affichage qui coûte très cher et nous avons un partenariat presse. Nous ne communiquons pas au niveau national [avec la métropole, ndlr] car il est plus important pour nous de communiquer sur la région avec les festivals et médias partenaires pour que les réalisateurs soient informés et puissent venir échanger. Nous savons que nous n'avons pas la puissance de communication qu'il faudrait par rapport à notre ancienneté, au volume de programmation et notre exigence ; mais nous essayons de trouver des astuces pour pallier au manque de financements. L'autre problème, c'est que nous n'avons qu'une salle de 250 personnes ; donc si nous amenons 10 000 Réunionnais devant la salle, comment ferons-nous ? Plus de 50% du budget sert à payer les ayants-droits et soutenir le cinéma. La communication vient en troisième partie.

 

Public : des cinéphiles fidèles

 

Le contexte réunionnais fait que nous avons un public cinéphile, fidèle, et un public scolaire. Nous n'avons malheureusement pas " le " grand public dans le sens où sur l'île, de façon générale, nous avons un problème d'accès à la culture et à la " diversité " culturelle. C'est beaucoup plus prégnant ici qu'à Paris. Sur deux multiplexes, 90% des écrans sont pour les productions américaines.

Le Plazza, salle historique des années 1950 de Saint-Denis, a fermé. Le Cinéma Casino du Port a fermé mais nous avons fait pression sur le maire pour acheter le cinéma. Aujourd'hui, pour voir un film à La Réunion, nous n'avons que deux multiplexes.

 

Donc un film de Pascale Obolo [programmée cette année, ndlr] ne pourrait pas passer à La Réunion. Lorsque le réalisateur Rachid Bouchareb - dont Alain Gili a montré des films depuis les années 1990 - a sorti Indigènes en métropole, nous sommes allés voir un multiplexe en lui disant " Un film très important pour l'Histoire de France va sortir. On peut vous mettre en contact avec la société de distribution pour organiser une sortie ici ". Ça ne les a pas intéressés. Nous sommes vraiment dans du pur commercial, ce qui fait que, pour un festival de films d'auteur comme le nôtre, il est très difficile d'aller vers le grand public.

 

Principal défi : créer du liant avec le public

 

Notre principal défi, ce serait de moderniser le cinéma que nous venons d'acheter aux normes actuelles de diffusion ; car nous dépensons beaucoup d'argent en location de matériel. Ce serait ensuite de faire vivre ce cinéma à l'année, pour recréer du lien et du liant avec le public ainsi que les futurs cinéastes et cinéphiles. L'autre défi sera peut-être d'arriver à ce qu'il y ait une culture cinéma sur l'île ; parce que pour l'instant nous avons plus une culture audiovisuelle que cinéma.

Il y a deux pôles universitaires mais pas d'enseignement cinéma. Nous avons la chance au Port d'avoir une école d'Art et un institut de l'image [ILOI, ndlr] plus tourné vers l'audiovisuel que sur le cinéma. Après, il faudra épauler les producteurs locaux vers plus de professionnalisation, pour accompagner les auteurs dans le développement, des vraies recherches de financement, d'achat et d'acquisition des films.

 

Projets futurs : marché du film et professionnalisation

 



Pour 2014, nous avons monté un projet avec le Festival Ile Courts à Maurice et le Comoros International Film Festival (CIFF) aux Comores, pour lequel nous venons d'obtenir l'aide des ACP, afin d'être présents en tant que festivals et dans la Région sur les marchés internationaux, de créer un marché du film, " Film Bazar ", qui aura lieu le deuxième semestre prochain à Maurice, en 2015 à La Réunion et aux Comores en 2016. Les trois prochaines années seront donc très axées sur l'industrie et la professionnalisation.

 

 


Propos recueillis à La Réunion

par Claire Diao / Clap Noir

www.clapnoir.org

Octobre 2013

 

 



Photo : Mohamed SAÏD OUMA, directeur du FIFAI.

Crédit : Claire Diao.

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