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Entretien d'Olivier Barlet avec Saana na N'hada à propos de Kadjike
entretien
rédigé par Olivier Barlet
publié le 13/06/2023

En dépit des conflits qui ont marqué l'Histoire de la Guinée Bissau, Sana na Nhada poursuit bon an mal an un travail documentaire sur les traditions des différents peuples de son pays. Présenté au Luxor African Film Festival 2014, Kadjike (qui veut dire le bois sacré) est proche de ce souci tant dans sa structure que dans son récit. S'appuyant au départ sur une légende de l'archipel des Bijagos, au large de Bissau, il oppose la détermination d'un jeune à défendre le mode de vie et les traditions de son peuple proche de la nature contre des trafiquants de drogue qui dilapident les richesses de la forêt. Il dénonce au passage la trahison de celui qui, attiré par l'argent facile, vend les terres appartenant à la communauté ou bien de celui qui suit les mirages de la ville pour être finalement confronté à ses trafics. Le tout est traité dans un style contemplatif où prime le rapport à la nature et à l'ordre des choses, tandis que la dimension documentaire prend le dessus et emporte l'adhésion.

Olivier Barlet : Vous partez d'une légende et vous construisez ainsi tout un récit. Quel est le fond de cette légende ?

Saana na N'hada : Selon les habitants des îles Bijagos, les Bijogos, la terre était là sans personne. Il y avait une femme, du nom Acapacama. Elle a été envoyée sur la Terre par le dieu Nindo. Elle est venue accompagnée de son mari, dans l'Archipel des Bijagos, en Afrique de l'Ouest. Ils ont eu quatre enfants, quatre filles. Ils sont fatigués, donc la femme décide de repartir d'où elle venait. Avant de partir, Acapacama attribue à chacune de ses filles une responsabilité. La première reçoit la responsabilité des cérémonies ; la deuxième doit s'occuper de la faune et de la flore, la troisième de la mer et de la pêche et la quatrième s'occupe du climat. La Terre est gouvernée par une prêtresse et un roi. Le roi gouverne les choses matérielles, tandis que la prêtresse gouverne les choses spirituelles. Il y a un druide, qui prévoit ce qui ne va pas. À chaque fois qu'ils ont une grande décision à prendre, le druide peut prévoir les conséquences. La prêtresse s'occupe de la cérémonie pour consulter les fétiches, l'âme des ancêtres, afin de savoir si la décision à prendre est la bonne. La vie humaine a ainsi commencé sur la plus grande des îles de l'archipel, dans le village créé par Acapacama, Nôcau. Les humains y sont nés, et ont peuplé la Terre entière depuis cette île. Normalement, quand les gens meurent, leur âme revient là où ils étaient partis. Ils passent par le même village, jusqu'à la dernière île des Bijagos, avant de partir vers l'au-delà. La femme est au centre de tout dans l'Archipel des Bijagos. Acapacama est fatiguée de vivre sur Terre, et rentre d'où elle est venue. Le film commence avec cette légende. Rien ne va dans le village. La terre est souillée et le sang a coulé dans cette île, ce qui ne va pas permettre une bonne agriculture. On doit envoyer quelqu'un pour voir ce qu'il se passe. Malheureusement, le druide est âgé, il est fatigué et malade. Le chef lui dit qu'un jeune doit prendre sa place. Le jeune en question veut épouser une fille, mais il doit pouvoir se consacrer à tout le village. Le druide doit l'initier et l'immuniser contre le venin pour qu'il devienne fort et protège le village. Quand le druide meurt, le jeune prend sa place et accepte ce qu'on attend de lui. Sur l'île où on cultive, il y a des trafics de drogue mais il ne le sait pas. Il ne voit que le sang humain couler. Le sol est souillé, donc la culture de la terre n'est plus possible.



Cette légende s'ancre dans une réalité qui se révèle actuelle. Le fond historique légendaire porte les valeurs de ces peuples face aux problèmes d'aujourd'hui qui sont d'environnement, d'exploitation de l'extérieur, de trafics de drogue, d'exploitation illégale des ressources.

Oui, avec la pêche illégale, il n'y a plus de poissons. Les Bijogos  ne sont pas des pêcheurs de haute mer. Ils pêchent uniquement de quoi manger au jour le jour. Dans la sous-région, la liberté est garantie pour les mouvements de biens et de personnes mais la pêche industrielle s'accapare tout le poisson disponible. 70 % du pays se trouve au niveau de la mer. Dans les mangroves, de nombreuses espèces viennent se reproduire mais ces bateaux ont fait disparaître presque toute la faune, alors qu'elle est fabuleuse. Des tortues, des oiseaux... mais tout est en train de disparaître. Les Bijogos veulent vivre comme ils ont toujours vécu, mais ils sont dépassés par les évènements.

Les Bijogos  représentent quel pourcentage de la population en Guinée-Bissau ?

Deux ou trois pour cent. 30 000 personnes sur 1,5 million. 30 000 personnes, ce n'est pas beaucoup...

Qu'est-ce qui vous pousse à faire un film sur ce peuple en particulier ?

Dans mon pays, il y a plus de vingt langues différentes et autant de cultures. Je trouve que celle-ci est remarquable. Ce sont des gens qui savent se gouverner. Le chef est vraiment obéi. Ils n'ont pas besoin d'aides de l'État pour vivre. Ils ont toujours vécu comme ça. Ils ne migrent pas. S'ils vont sur le continent, c'est pour l'agriculture. Ils se soignent avec des plantes. Les femmes portent des jupes de raphia.

C'est toujours le cas, les femmes en jupes de raphia ?

Oui, mais ça va disparaître rapidement. Je n'entends personne défendre la Guinée-Bissau. Il faut cesser de consommer de la drogue. Une dose de cocaïne coûte trois fois plus cher que le salaire moyen d'un Bissau-guinéen. Il faut cesser de produire de la drogue, mais il faut surtout arrêter d'en consommer. J'ai des enfants, et je ne veux pas qu'ils tombent dedans !

Votre travail de fiction n'est-il pas proche de votre travail documentaire, qui est d'archiver, de documenter des cultures qui sont en voie de disparition tout en alertant sur cette perte possible ?

Je travaille depuis l'époque du conflit colonial. Je ne travaillais que sur ça. Il fallait filmer des choses et les garder. Je ne pouvais pas faire de films complets, parce qu'il fallait les monter. Ce n'était pas possible pendant la guerre. Quand la guerre s'est terminée, dans les années 70, j'ai essayé de monter un laboratoire en Guinée-Bissau. J'ai presque réussi, mais cela a échoué pour d'autres raisons qui n'ont rien à voir avec le financement. J'avais trouvé un financement en Hollande, qui s'était intéressé au tiers-monde. J'ai toujours essayé de filmer le maximum de choses, parce qu'avec Flora Gomes, Josefina Lopes Crato et José Bolama Cobumba, je faisais partie des quatre Guinéens envoyés à Cuba par Amilcar Cabral pour apprendre le cinéma et faire des images durant le conflit colonial. On nous a appris le cinéma, alors que je n'avais jamais vu de films. Je ne l'avais pas choisi. Mais il y avait la guerre, et tout le monde devait faire quelque chose et on a choisi pour moi. Nous étions quatre, et je n'ai fait que filmer ce qui me faisait plaisir : de la culture, de la tradition. Tout ce que je voyais. J'ai toujours filmé ça. De temps en temps, il y avait une occasion qui se présentait où je pouvais faire un film. Maintenant, je commence un peu à vieillir et je n'ai pas le temps mais je pense faire encore quelques films.

Est-ce que ce n'est pas un peu frustrant de travailler sur des choses qui sont en train de se perdre ?

Je suis très anxieux et très frustré de ne pas pouvoir capter ça. Je me dis que de toute façon, après, c'est fini. Les gens ne savent pas lire, et les seuls qui savent lire n'ont pas l'habitude de prendre des notes. La photographie, la vidéo et le cinéma existent mais tout le monde n'y a pas accès. De toute façon, cela n'intéresse le gouvernement que très peu. Dans mon pays, nos archives ont été mises à la rue et elles ont été détruites par la pluie. Tout le travail qu'on a fait, un travail qui nous a pris du temps, a été détruit parce que quelqu'un a décidé qu'il avait besoin de la place que notre travail prenait.

Ce n'était pas quand à la faveur de la guerre des régiments sénégalais s'y étaient installés ?

Non, ça c'est autre chose. Ils se sont installés dans les musées et les ont détruits. Ils sont entrés dans mon bureau un jour, et ils ont détruit tout mon matériel vidéo. Ma caméra, mes archives, les images, tout a été détruit. Mais là, il s'agit de la pièce que nous avions au ministère : nos salles de montage où étaient entreposées beaucoup d'images. Un monsieur a décidé qu'il avait besoin de cette pièce-là pour faire autre chose. Nous avons réussi à sauver 40 000 heures de pellicule alors qu'on en avait environ 100 000 heures.

Ce combat pour la transmission des légendes et de la manière dont les peuples vivent vous semble donc essentiel.

Oui. J'ai raconté beaucoup d'histoires autour du film. Je sens qu'il y a des choses qui échappent aux gens. Je voulais mettre un peu de zeste de chacun pour ne porter préjudice à personne, et que ça ne porte pas préjudice à l'histoire principale.

Qu'est-ce qui vous paraît le plus important à transmettre ?

Il y a eu un brassage des cultures en Afrique de l'Ouest. Il y a quarante, cinquante ans, en Guinée-Bissau, les gens ne se connaissaient pas. Les gens ne connaissaient pas les habitudes des autres. Nous avons mis en place un programme audiovisuel pour promouvoir la coopération culturelle, les échanges culturels entre les régions et les différentes cultures. Le pays n'existait pas comme tel. Je voulais participer à sa création, mais ça ne s'est pas fait. Et le progrès est là ! Mes enfants ne parlent pas ma langue. Ils parlent créole, qui est la langue nationale. Il y a des choses qui sont bonnes, mais d'autres qui n'apportent pas grand chose. Il faut pouvoir préserver celles qui sont bonnes face à la mondialisation. Vers quoi allons-nous ? Qui sommes-nous ? On devrait pouvoir garder ce qui nous constitue face à la mondialisation.

Vous pensez que c'est plus au niveau des valeurs ou du savoir-faire, de cette expérience pratique que les gens ont construit peu à peu avec le temps ?

Par exemple, nous avons l'habitude de dire que les Guinéens ne se fâchent pas vite. Ils tolèrent. Mais il y a un moment où ils en ont ras-le-bol et les choses s'inversent. Je trouve ça bien. Par exemple, les Bijogos apprennent par tranche d'âge à servir les plus âgés. Les jeunes travaillent pour aider les personnes âgées. En échange, elles leur apprennent à se servir des plantes pour se soigner et comment vivre s'il ne pleut pas. Ils doivent apprendre à vivre de la terre sèche, ce qu'elle donne sans pluie. Le palmier sert à faire de l'huile, les arbres servent à faire des cases. Ils ont une brousse formidable et ils doivent apprendre à vivre de ce qu'ils trouvent dans la brousse. S'ils n'apprennent pas, comment vont-ils vivre pendant les périodes de sècheresse ? Le contenu de la mer est en train de disparaître à cause de la pêche intensive. Comment vont-ils vivre ? Il faut pouvoir vivre de ce qu'il y a quand il ne pleut pas. Ce sont des choses à garder. C'est un savoir que seuls les plus âgés ont et qu'ils apprennent aux jeunes.

Dans le film, vous rendez l'histoire d'amour possible par le fait que la femme va suivre une initiation qui lui permet d'être au même rang que l'homme. D'un oeil moderne, ça fait un peu bizarre de se dire qu'il faut qu'il y ait une initiation de la femme pour être au même niveau !

C'est un peu capricieux de ma part. En fait, chez les Bijogos, les hommes doivent aussi suivre une initiation, comme les femmes. Les hommes vont à l'initiation, et les femmes aussi. Il y a un seul individu qui peut savoir ce qui arrive à l'initiation des femmes. C'est le joueur de bombolong. Il connait le code, et connaît les cultures Bijogos. Il va les apprendre aussi bien aux femmes qu'aux hommes. Ils savent interpréter ce que le joueur communique. Quand ils sont dans le bois sacré, l'individu qui joue du bombolong initie aussi bien les hommes que les femmes. Ce n'est pas matriarcal, mais la femme est au centre du pouvoir Bijogo. Pour se comprendre, ils doivent aller à l'initiation en même temps, ou du moins en alternance. Quand les hommes vont à l'initiation, ce sont les femmes qui les soutiennent et vice-versa. Les hommes ne peuvent pas faire l'initiation sans les femmes. Dans le film, j'ai dit que l'homme va être initié mais la femme aussi. Il y a des choses que seulement eux savent. Si vous avez dix ans, douze ans, il y a des choses que vous pouvez savoir mais vous n'avez pas le droit d'en parler. Lorsque vous avez l'âge d'en parler, vous ne pouvez pas en parler à tout le monde. Vous ne pouvez pas en parler aux non-initiés. Lorsque vous connaissez tout ce qu'il y a à savoir, vous êtes âgé !

Il y a donc des règles. Dans cette histoire, vous amenez un équilibre nécessaire entre hommes et femmes.

Il le faut. Les hommes et les femmes ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. Ils comprennent les choses en fonction de leur initiation, et de leur âge. Sans être initié, on n'a pas le droit de savoir. Même si on le sait, on n'a pas le droit d'en parler.

Tel que je le comprends de l'extérieur, vous amenez une nécessité d'équilibre entre l'homme et la femme en termes de connaissances et en termes d'initiation.

C'est comme ça que ça se passe chez eux. Je les suis depuis 1977, mais ils sont tellement fermés que je ne sais pas tout. De toute façon, je ne veux pas tout savoir car je serais tenté d'en parler. Or, je n'en ai pas le droit !

Indépendamment d'un travail documentaire, vous avez fait Xime il y a vingt ans, en 1994. Vingt ans pour un deuxième long-métrage, quel a été le problème ? Qu'est-ce qui vous a empêché de faire du cinéma de fiction ?

En 1995, j'avais déjà une autre histoire. J'ai dû arrêter car j'ai dû me faire opérer des yeux. Il y a eu la guerre, et ça a complètement bouleversé ma vie. J'ai dû me battre pour que mes enfants puissent aller à l'école. L'école à côté de chez nous se paye en liquide. J'ai mis six ans pour faire Xime. J'ai mis quatre ans à faire Kadjike. Mais il faut que je vive, et comme je ne peux pas vivre de mon cinéma… Quand l'occasion se présente, je fais un film. Le problème, c'est que même si on a un financement, les techniciens ne veulent pas travailler. On ne peut pas inviter des techniciens à venir travailler dans un pays à problèmes. Quand j'ai filmé Kadjike, il y a eu des coups de feu dans la capitale pendant le tournage. J'avais une équipe de Portugais qui n'était pas très à l'aise. Les assurances augmentent leurs tarifs quand il se passe des choses comme ça.

Vous avez essayé avec Flora Gomes, Josefina Lopes Crato et José Bolama Cobumba de mettre en place une structure cinématographique en Guinée-Bissau avec un institut du cinéma. Quand était-ce ?

Nous avons travaillé dessus en 1977, mais la fondation a vu le jour en février 1978. L'Institut du cinéma existe toujours. J'ai essayé de trouver un financement pour ouvrir un laboratoire à Bissau, mais ça n'a pas été possible. Nous avons fait un circuit itinérant de distribution de films. Nous allions montrer des films dans des villages où il n'y avait pas d'électricité. Il s'agissait de nos productions, mais aussi des productions de nos amis étrangers. Il y avait des films faits par des Suédois, des Français, des Anglais, des Bulgares et des Soviétiques. Le circuit n'existe plus, car le générateur est mort, et les copies des pellicules étaient vieilles, mais l'institut existe toujours. Nous avons demandé à l'État de nommer quelqu'un à la tête de cet institut et nous, nous sommes d'office à la retraite !

Vous êtes optimiste ou pessimiste sur la suite des choses ?

Dans trois semaines, il y aura des élections dans mon pays. Le pays est préparé aux risques de complots. Je pense que ça se calmera. Mais je ne promets rien. De toute façon, ça ne dépend pas de moi. Les six années qui suivirent l'indépendance furent six années de paix. Tout le monde s'est mobilisé, surtout après le conflit de 1998. Il y a eu la guerre civile, et le coup d'Etat a suivi. C'est un problème politique, car les politiques mêlent les militaires à cette histoire.

Sur fond de trafic de drogue...

Il y a le trafic de drogue, mais il y a aussi la lutte pour le pouvoir. L'État est assailli par des gens sans scrupules. Il n'y a pas d'élections cantonales, car tout le monde veut être député. Quand on est député trois fois de suite, on devient député à vie. Les députés gagnent deux cent fois le salaire minimum. Les politiques eux-mêmes, quand ils font leurs campagnes politiques pour les élections, ils le disent. Ils savent que le pays ne va pas bien. Les militaires disent la même chose. Ils pensent que les politiques sont responsables de la situation, mais les politiques pensent que l'armée ne les laisse pas faire leur travail. Je pense que tous les Guinéens devraient faire quelque chose pour que la paix revienne.

Sur quoi vous concentrez-vous maintenant ?

Moi, à chaque fois que je peux faire quelque chose, j'essaye de rendre le point de vue de la culture nationale. Même si la pratique est différente aujourd'hui, avant on faisait les choses traditionnellement. J'essaye de les faire comme ça. C'est histoire de garder toujours quelque chose que je trouve bien. En Guinée-Bissau, on est musulmans, chrétiens et animistes. Le monde entier connaît le christianisme et l'islam. Mais il y a des choses chez les animistes que nous ne connaissons pas. Avant que la Guinée devienne chrétienne ou musulmane, elle était animiste. Cette pratique est cachée, mais elle est là. J'essaye de le documenter. Il y a des choses qui me semblent importantes.

Vous y décelez une véritable actualité ?

Le problème est que lorsque les gens comme les Bijogos vont pêcher, ils ne trouvent pas de poisson. Quand ils ont besoin de poisson, ils vont l'acheter. Sinon, il faudrait apprendre à aller pêcher en haute-mer mais ils n'en ont pas les moyens. Ils n'ont pas le savoir-faire. Si les médicaments sont trop chers, il faut pouvoir se soigner à l'aide de plantes. Où est-ce qu'ils vont apprendre ça ? Les traditions existent. Ils font ça mieux que nous tous en Guinée-Bissau. Ils ont un savoir-faire beaucoup plus développé que le reste des habitants du pays. Il reste quelque chose de positif ici !

Merci à Elise Ramaioli pour son aide à la transcription

Olivier Barlet

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