AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 009 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Mörbayassa - Le serment de Koumba
Les élans du cœur d'une femme de Guinée
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 14/04/2017
Michel Amarger (magazine Africiné)
Michel Amarger (magazine Africiné)
Cheick Fantamady CAMARA, réalisateur guinéen
Cheick Fantamady CAMARA, réalisateur guinéen
Soirée hommage, mardi 18 avril 2017, à Paris
Soirée hommage, mardi 18 avril 2017, à Paris
L'actrice malienne Fatoumata Diawara, dans Morbayassa
L'actrice malienne Fatoumata Diawara, dans Morbayassa
Teddy Atlani & Claire Simba, dans Morbayassa
Teddy Atlani & Claire Simba, dans Morbayassa
Koumba (Fatoumata Diawara) & Vanessa (Claire Simba, en rouge)
Koumba (Fatoumata Diawara) & Vanessa (Claire Simba, en rouge)
Rémi Mazet, directeur de la photographie
Rémi Mazet, directeur de la photographie
Dyana Gaye, réalisatrice de Dewenati
Dyana Gaye, réalisatrice de Dewenati
Mama Keïta, réalisateur de L'Absence
Mama Keïta, réalisateur de L'Absence
Fatoumata Diawara (Bella) danse la morbayassa
Fatoumata Diawara (Bella) danse la morbayassa
Fatoumata Diawara dans Morbayassa
Fatoumata Diawara dans Morbayassa
Ancien poster
Ancien poster
Cheick Fantamady Camara, Réalisateur, scénariste et producteur guinéen (1960-2017)
Cheick Fantamady Camara, Réalisateur, scénariste et producteur guinéen (1960-2017)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)

LM Fiction de Cheick Fantamady Camara, France / Guinée, 2014
Diffusion France : à partir du 19 avril 2017.


Parmi les traditions de la culture mandingue, il y a la Mörbayassa, une danse qu'on effectue pour remercier les esprits des ancêtres d'avoir exaucé des vœux. Cette cérémonie est le signe d'un dénouement heureux notamment pour les femmes qui ont demandé à avoir des enfants ou celles qui veulent réussir un objectif. Et c'est vers ce rite vital que converge l'héroïne de Mörbayassa, 2014, de Cheick Fantamady Camara. Le réalisateur guinéen, établi en France où il est décédé en janvier 2017, relie les continents dans une histoire en prise avec la dureté de la vie des femmes en Afrique, et les questions d'identité qui se posent dans la société française.
Le récit s'attache d'abord au quotidien de Bella, une prostituée de Dakar, sous la coupe d'un proxénète qui organise le trafic de drogue et de filles dans un cabaret local. Lorsqu'un employé des Nations Unies convoite Bella, le caïd y voit un moyen de faire pression. Mais le jeune notable, Guinéen comme Bella, veut la conquérir. Elle résiste puis décide d'échapper aux trafics et de revenir vers une page oubliée de sa vie. Bella a toujours en tête la fille qu'elle a dû abandonner à sa naissance, récupérée par des Français qui l'ont adoptée. Un jour, elle part en France sur les traces de sa fille pour se faire connaître.









Mörbayassa se veut un film populaire qui épouse avec véracité l'ambiance sénégalaise puis française. Dans la première partie, Cheick Fantamady Camara filme avec énergie le monde de la nuit qui enferme Bella. Elle est sous la coupe d'un proxénète dur qui joue du revolver en écoulant de la drogue pour assurer son emprise sur ses prostituées. Bella et sa copine sont les plus efficaces mais quand l'héroïne est remarquée par un compatriote, engagé aux Nations Unies, elle trouve un soutien pour échapper au proxénète, écarté de l'histoire par un accident.
Les scènes de cabaret où se produisent Bella et les filles, dans des tenues vives et courtes qui laissent fuser leurs cuisses aguicheuses, donnent à Mörbayassa des allures de film de genre. L'alcool, les armes, la drogue circulent en circuit fermé. Mais, en cadrant de près ses personnages, Camara dévoile la peur qui frappe la copine de Bella, comme le doute qui gagne le proxénète. Des sentiments négatifs auxquels Bella tourne le dos en reprenant son véritable nom, Koumba, pour assumer son passé.

Dans la deuxième partie, plantée dans la grisaille parisienne, le réalisateur s'attache aux recherches de Koumba pour revoir sa fille. Les parents adoptifs de l'adolescente qui méconnaît ses racines africaines, sont repérés grâce au concours d'une amie qui héberge Koumba. Celle-ci, guidée par les cauris qui prédisent l'avenir, attire l'attention des copains de sa fille puis se confronte à elle et au couple pour défendre sa position de mère. Le ton du film devient alors plus froid, plus intimiste.
L'aptitude de Cheick Fantamady Camara à s'approcher des acteurs pour valoriser leur intériorité est relayée par l'apport de son chef opérateur, Rémi Mazet, sensible à l'Afrique comme l'a montré son travail sur des films de Dyana Gaye (Deweneti, 2006) ou Mama Keita (L'Absence, 2009). Autour de lui, le cinéaste dirige une équipe de Sénégalais, Maliens, Français et Guinéens dont la plupart ont suivi le tournage de Dakar à Paris.









Devant la caméra, l'actrice et chanteuse malienne, Fatoumata Diawara, se transforme au fil de l'évolution de l'héroïne. Révélée par son rôle dans La Genèse de Cheick Oumar Sissoko (1999), la comédienne assure une maturité changeante, séductrice en prostituée, émouvante en mère dépossédée. A ses côtés, Camara met en scène des acteurs fidèles qu'il a dirigés dans son premier long-métrage, Il va pleuvoir sur Conakry (2006), comme Tella Kpomahou et Alex Ogou. Le reste du casting effectué à Dakar, est assuré par des protagonistes sénégalais que le réalisateur mêle en douceur à ses complices de cinéma.
La production est assurée à partir de COP-films, la société de Camara, en recourant à une souscription (un crowdfunding, "financement participatif") pour boucler le financement du montage. Au delà des difficultés rencontrées à Dakar où le cinéaste a bénéficié de techniciens motivés, et des problèmes connus en France pour obtenir des financements, la détermination de Cheick Fantamady Camara le pousse à s'impliquer dans la distribution du film avec l'aide de proches. Mais la maladie l'emporte avant que la diffusion soit relayée par des soutiens fidèles. Mörbayassa reste une affaire de cœur, un défi pour faire partager au public l'engagement du cinéaste de Guinée dans la transmission de sentiments positifs.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France),
pour Africiné Magazine

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés