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Haut et fort : dans le flow d'une jeunesse libérée
7è long métrage fiction du Marocain Nabil Ayouch
critique
rédigé par Falila Gbadamassi
publié le 15/07/2021
Falila Gbadamassi est rédactrice à Africiné Magazine
Falila Gbadamassi est rédactrice à Africiné Magazine
Nabil Ayouch, réalisateur marocain
Nabil Ayouch, réalisateur marocain
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film

Le dernier long métrage de fiction du cinéaste marocain Nabil Ayouch est une proposition énergique façonnée par le hip-hop, à l'image de cette jeunesse marocaine dont il esquisse le portrait. Avec Haut et fort, le Maroc fait une première entrée remarquée dans la course à la Palme d'or.

Au volant de sa voiture, Anas (Anas Basbousi) demande sa route pour retrouver le centre culturel de Sidi Moumen, banlieue de la ville marocaine de Casablanca dont l'image est inexorablement associée au terrorisme depuis les attentats de 2003. Le rappeur va bientôt découvrir sa nouvelle classe et ses nouveaux élèves. Des jeunes issus de milieux défavorisés dont les horizons sont quelque peu assombris par les contingences sociales, la religion entre autres, et économiques.



A ceux à qui il va faire découvrir son univers musical, Anas fait un cours magistral sur les origines du mouvement hip hop, leur explique que les revendications des artistes afro-américains contre le racisme et leurs conditions de vie dans la société américaine ont fait écho aux aspirations des jeunes dans le monde arabe. De fait, le rap est devenu la bande-originale de leurs revendications révolutionnaires. Bientôt, elle deviendra aussi celle du désir d'émancipation des apprentis musiciens qu'Anas a décidé de prendre en charge et à qui il conseille de ne jamais perdre de vue leur réalité dans leur expression musicale. Mais surtout de ne pas se contenter de vomir des paroles pour prétendre rapper.

Dans Haut et fort (Casablanca Beats), Nabil Ayouch (pour sa première fois en compétition pour la Palme d'or [NOTE 1]) suit l'évolution d'aspirants rappeurs - jeunes filles et jeunes hommes - et de leur mentor. En musique ou tout simplement en débattant sur des sujets aussi sensibles que la religion - même si Anas ne manque pas de leur rappeler que cette thématique n'est pas l'objet de son cours -, ils échangent avec une vivacité renforcée par les allers-retours de la caméra qui se pose sur chacun des protagonistes dès qu'ils prennent la parole.

Au fil de ces cours pratiques, la proximité qui se crée entre élèves et enseignant se fait libératrice, un mouvement qui dérange dans les familles et l'entourage de ces jeunes qui fréquentent le centre culturel.



La bande-originale de Haut et fort est prenante, le refrain d'un morceau où il est question du pouvoir de l'argent et le geste qui l'accompagne hanteront longtemps le spectateur. A l'instar de l'une des scènes du film qui s'apparente à une transe collective. Cette dernière est l'une des nombreuses démonstrations d'une direction d'acteurs exigeante et maîtrisée. Avec brio, Nabil Ayouch a mis en scène un ensemble de comédiens non professionnels jouant leurs doubles fictionnels. Ismail (IsmaiI Adouab), Meriem (Meriem Nekkach), Nouhaila (Nouhaila Arif), Zineb (Zineb Boujemaa) ou encore Abdou (Abdelilah Basbousi), entre autres, racontent une jeunesse marocaine vibrante, talentueuse et consciente à la fois des obstacles qu'elle doit surmonter et de la façon dont elle peut y parvenir avec succès. Tous ces acteurs et leurs alias crèvent simplement l'écran. Peut-être parce que Haut et fort est inspiré par le projet Positive School lancé par Anas Basbousi, célèbre figure du rap marocain, au centre culturel Les Etoiles de Sidi Moumen ouvert en 2014 par la Fondation Ali Zaoua créée par Nabil Ayouch. Elle promeut l'intégration sociale des jeunes par la culture. Produit des observations du cinéaste marocain, Haut et fort laisse une empreinte forte dans l'esprit du spectateur. Et c'est donc légitimement que le Maroc peut attendre avec impatience le verdict du jury présidé par Spike Lee.

Falila Gbadamassi, correspondante spéciale

[NOTE 1] : Haut et fort (Casablanca Beats) est le second film du Maroc après son indépendance en compétition pour la Palme d'or, avec Âmes et rythmes par Abdelaziz Ramdani, en 1962.
Article mis à jour, le 16 juillet à 02h20

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