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Cannes 2022 : une deuxième Palme d'or pour le Suédois Ruben Östlund, le Prix du scénario pour son compatriote d'origine égyptienne Tarik Saleh
Retour sur le palmarès du 75ème Festival de Cannes
critique
rédigé par Falila Gbadamassi
publié le 30/05/2022
"Triangle of Sadness (Sans Filtre)", Palme d'Or 2022
"Triangle of Sadness (Sans Filtre)", Palme d'Or 2022
Falila Gbadamassi, rédactrice à Africiné Magazine
Falila Gbadamassi, rédactrice à Africiné Magazine
Ruben Östlund, Palme d'Or 2022
Ruben Östlund, Palme d'Or 2022
Tarik Saleh, scénariste égyptien suédois, Prix du Scénario
Tarik Saleh, scénariste égyptien suédois, Prix du Scénario
"Hai Bian Sheng Qi Yi Zuo Xuan Ya (The Water Murmurs)" de la Chinoise Story Jianying Chen, Palme d'or du court métrage 2022.
"Hai Bian Sheng Qi Yi Zuo Xuan Ya (The Water Murmurs)" de la Chinoise Story Jianying Chen, Palme d'or du court métrage 2022.

Le Festival de Cannes s'est achevé le 28 mai 2022 sur un étrange palmarès dont le jury de Vincent Lindon gardera à jamais le secret.

Deux prix pour la Suède

C'est Triangle of Sadness (Sans filtre) du Suédois Ruben Östlund qui a séduit le jury de la 75e édition du Festival de Cannes présidé par Vincent Lindon. Autour de l'acteur français, étaient réunis la comédienne italienne Jasmine Trinca, le réalisateur norvégien Joachim Trier, l'actrice suédoise Noomi Rapace, le cinéaste américain Jeff Nichols, son collègue iranien Asghar Farhadi, la comédienne anglo-américaine Rebecca Hall, le réalisateur français Ladj Ly et l'actrice indienne Deepika Padukone. Les jurés ont été conquis par la satire, pas toujours subtile mais souvent drôle d'Östlund.



Le Suédois dénonce dans un film en trois tableaux la dictature de l'apparence, les ambiguïtés qui persistent dans les rapports hommes-femmes alors même que les secondes réclament l'égalité. Il pointe surtout la condescendance des plus riches vis-à-vis des moins nantis. Ruben Öslund se transforme en un impitoyable redresseur de torts. Un bateau puis une île, où surgit de nulle part d'ailleurs un vendeur ambulant ghanéen, deviendront l'enfer pour ceux qui étaient autrefois des privilégiés.

Quant au Grand prix, il a été décerné ex-aequo au cinéaste belge Lukas Dhont pour Close, l'histoire d'une amitié fusionnelle entre deux enfants qui tourne au drame. Cette fiction a fait l'unanimité auprès de la critique cannoise, a contrario du film Stars at noon de la Française Claire Denis qui partage ce Grand prix. Le long métrage est un sibyllin essai géopolitique qui a pour décor le Nicaragua et pour toile de fond une torride histoire d'amour entre un homme et une jeune femme qui se présente comme une journaliste. Le charme magnétique de Margaret Qualley est censé être le socle sur lequel reposer l'œuvre de Denis. Le pari est compréhensible mais le résultat laisse perplexe.

Le Coréen Park Chan-Wook a, pour sa part, décroché le prix de la mise en scène pour Decision to leave. La récompense salue l'approche très esthétique adoptée par le réalisateur coréen pour raconter l'impossible histoire d'amour entre un flic et la suspecte d'une affaire de meurtre sur laquelle il enquête.

Deux cinéastes suédois primés et une récompense par procuration pour le continent africain

Boy From Heaven du cinéaste égyptien et suédois Tarik Saleh, film d'espionnage qui se déroule dans l'incontournable institution de l'islam sunnite basée en Egypte, Al-Azhar, rafle le Prix du scénario. Cette distinction est une très bonne nouvelle par procuration pour le cinéma égyptien et les cinémas africains, même si les films sans concession de Tarik Saleh sur le pays de son père, l'Egypte, lui en interdisent l'entrée. Pour autant, le cinéaste n'a pas hésité à dédier sa récompense aux jeunes cinéastes égyptiens afin de les encourager à "(élever) la voix et (conter) leurs histoires".

Le otto montagne (Les huit montagnes) des Belges Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen, et le génial Eo du Polonais Jerzy Skolimowski (Pologne), se partagent, eux aussi, un Prix du jury largement mérité. Le premier est une superbe bromance filmée dans les montagnes italiennes. Quant au réalisateur polonais, il s'est offert un road-movie sur les traces d'un âne.

Pour son 75e anniversaire, le Festival de Cannes a offert le Prix du 75e à Tori et Lokita des frères Dardenne (Belgique). Jean-Pierre et Luc Dardenne, déjà détenteurs de deux Palmes d'or, ont ému la Croisette en décrivant les malheurs de deux jeunes immigrés africains, victimes du mauvais accueil réservé aux personnes en situation irrégulière sur le territoire belge. Si leur fibre sociale et leur immuable talent est à saluer, on aurait espéré de la part de ces monuments du cinéma belge qu'ils produisent des héros plus crédibles en veillant à un petit détail : leur accent.
Tori et Lokita ont un accent belge... Il pourrait se justifier pour le plus jeune du duo, Tori, du fait de la faculté qu'ont les enfants à s'adapter rapidement, mais ce détail est perturbant en ce qui concerne Lokita. Du moins quand le film laisse supposer que la présence des deux enfants sur le territoire belge est récente. Un accent ne se perd pas facilement, surtout quand on parle régulièrement sa langue maternelle camerounaise comme le fait Lokita. Il n'y a qu'à demander à la plus Française des artistes britanniques, Jane Birkin.



Les frères Dardenne n'ont certainement pas imaginé que leur film sera un jour confronté aux Béninois et aux Camerounais auxquels ils font allusion dans leur fiction. Ceci dit, les choix d'un jury ne se discutent pas surtout s'il semble ravir la majorité des critiques pour qui cette affaire d'accent n'enlève rien au talent des Dardenne. Bref, ce n'est certainement pas à Cannes que se règlera la question de la représentation des Africains sur le grand écran et faut-il rappeler que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même.

Dans Holy Spider, le cinéaste d'origine iranienne Ali Abbasi fait ainsi un portrait effrayant de la condition féminine dans son pays et offre ainsi le prix d'interprétation féminine à Zar Amir Ebrahimi, célèbre actrice iranienne désormais exilée en France. Elle incarne Rahimi, une pugnace journaliste venue de Téhéran, prête à tout pour démasquer un tueur en série qui, dans la ville sainte de Mashhad, s'est fixé pour mission de la débarrasser des femmes impures. En l'occurrence, les prostituées.

Une consécration pour les cinéastes asiatiques

Grâce à la magie des prix cannois et des acteurs qui tournent hors de leur frontière, on passe de l'Iran à la Corée, en passant par la Chine. Ainsi, le Prix d'interprétation masculine a récompensé la performance de l'acteur coréen Song Kang Ho dans Broker du Japonais Kore-Eda Hirokazu (vainqueur de la Palme d'or en 2018, pour Shoplifters). Il interprète un attendrissant trafiquant d'enfants qui se retrouve, malgré lui, à la tête d'une famille iconoclaste. La Croisette avait déjà été impressionnée par le talentueux Song Kang Ho dans Parasite de Bong Joon Ho (Palme d'or 2019).

Hai Bian Sheng Qi Yi Zuo Xuan Ya (The Water Murmurs) de la Chinoise Story Jianying Chen s'est arrogée, elle, la Palme d'or du court métrage. Lori du Népalais Abinash Bikram Shah s'est vu attribuer une mention spéciale.

La Suède, la Belgique et la Corée du Sud par le jeu des coproductions et du fait de la nationalité des cinéastes en lice pour la Palme d'or se taillent la part du lion dans le palmarès de la 75e édition du Festival de Cannes.

Falila Gbadamassi, correspondance spéciale

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