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LES MEUTES de Kamal Lazraq, un Pulp Fiction à la sauce Marocaine.
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 19/05/2023
Hassouna MANSOURI, Rédacteur (Amsterdam) à AFRICINÉ MAGAZINE
Hassouna MANSOURI, Rédacteur (Amsterdam) à AFRICINÉ MAGAZINE
Kamal LAZRAQ, réalisateur marocain
Kamal LAZRAQ, réalisateur marocain
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Scène du film LES MEUTES
Samuel L. Jackson, Harvey Keitel, John Travolta, dans une scène du film PULP FICTION (1994)
Samuel L. Jackson, Harvey Keitel, John Travolta, dans une scène du film PULP FICTION (1994)
L'acteur français Slimane Dazi, dans une scène du film d'école LES YEUX BAISSÉS, réalisé par Kamal Lazraq, en 2010, La Fémis, Paris.
L'acteur français Slimane Dazi, dans une scène du film d'école LES YEUX BAISSÉS, réalisé par Kamal Lazraq, en 2010, La Fémis, Paris.

C'est dans la section Un Certain Regard que le jeune cinéaste Kamal Lazraq est venu défendre les drapeaux du Maroc à la 76ème édition du Festival de Cannes (16-27 mai 2023). Avec Les Meutes, qui est son premier long métrage, il y concourt pour la Caméra d'or.

Le film s'appuie sur une composition scénaristique très forte. L'unité du temps, l'action se déroule en une nuit, met en place une tension dramatique qui accroche le spectateur. A cela s'ajoute une construction tragique bien reconnaissable.
Le prologue expose les personnages et met en place le dispositif de l'action : lors d'un combat de chiens, Dib, le perdant, reçoit un coup de poing de la part de l'un de ses adversaires. L'épilogue ferme la parenthèse en montrant un chien partir avec l'avant-bras brûlé de ce même voyou en guise de revanche. L'action se décline en cinq chapitres nocturnes, comme les actes d'une tragédie.

Chacun des chapitres tourne autour d'une possibilité de se débarrasser du cadavre que Hassan a tué par inadvertance. Mais chaque chapitre aboutit à une impasse qui relance l'action et maintient le suspense. La connaissance de Dib, le chef d'un gang et commanditaire de l'enlèvement, s'avère avoir démissionné du monde de l'illégalité. Larbi, le marin, se fait noyer lui-même tellement il est saoul, au lieu de noyer le cadavre. Le gang auquel a recourt Issam, le fils de Hassan, se méfie de lui et lui tend un piège. Lorsque Dib intervient pour mettre fin au problème, il ne prend pas en considération la taille du cadavre qu'il veut mettre au four. Ce n'est qu'avec l'intervention d'un personnage mystérieux sans coeur, que le coprs est enfin dépecé et incinéré.



Cette construction scénaristique crée une atmosphère soutenue par un ton qui fait balancer le film entre le tragique et le comique, voire le burlesque. Le paysan qui refuse de débarrasser Hassan et son fils du cadavre leur offre une pelle et, d'une façon surprenante et inattendue, des figues. Ceci enlève à la situation toute sa gravité. Avant de disparaitre dans la mer, Larbi demande à Hassan s'il a lavé le cadavre faute de quoi l'enterrement d'un mort est un sacrilège. Ceci va faire intervenir la mère qui instruit son fils et son petit-fils en leur montrant comment préparer le mort à l'enterrement.
L'implication de la mère fait disparaitre presque entièrement la dimension criminelle de l'histoire. Ce moment correspond aussi à un tournant dans le film. Issam qui, au début, a accompagné son père à contre-coeur, prend les choses en main. De fait, le père qui se donnait l'air d'être un dur, semble se repentir et manifeste un coeur tendre. Par contre, celui qui avait l'air naïf se voit son coeur durcir. Il est même sur le point d'être happé par le monde de la criminalité. En effet, pour se débarrasser du cadavre, il doit vendre son âme au diable et s'engager à faire des opérations spéciales pour le compte du chef d'un gang qui se propose de l'aider.

Ainsi Lazraq joue avec le bien et le mal d'une manière ludique et désinvolte. Non seulement, il accroche son spectateur par le mécanisme du suspense qui ponctue le film, mais c'est aussi le propos général qui est double et invoque tout un imaginaire essentiellement cinématographique lié au film de gangster, un peu dans le style de Quentin Tarantino.



Le film fait des allusions à ce cinéaste qui ne sont presque pas masquées. Le personnage qui découpe le cadavre à la fin du film rappelle le rôle du nettoyeur interprété par Harvey Keitel dans Pulp Fiction [Palme d'or, Cannes 1994, NDLR]. L'invocation du religieux est un clin d'oeil au personnage de Jules Winnfield, alias Samuel Lee Jackson dans le même film, récitant des extraits de la Bible avant de tirer sur les petits voyous qui veulent commettre un hold up dans un café. Comme Tarantino, Lazraq fait du meurtre involontaire et burlesque d'un personnage le noeud de son film. De ce point de vue, on peut dire qu'il a réussi à faire un bon exercice d'école pas plus.

Mise à jour du 18 juillet 2023 : le film a remporté le Prix du Jury (section Un Certain Regard) [NDLR]

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