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SAHARI SLEM WSAA : un voyage au cœur du désert
Long métrage fiction de Moulay Taieb BOUHANANA, Maroc, 2023
critique
rédigé par Amina Barakat
publié le 20/07/2023
Amina BARAKAT, Rédactrice (Rabat) à AFRICINÉ MAGAZINE
Amina BARAKAT, Rédactrice (Rabat) à AFRICINÉ MAGAZINE
Moulay Taïeb BOUHANANA, réalisateur, scénariste et producteur marocain, au Festival de Dakhla 2023, avec son trophée du Prix de la première œuvre
Moulay Taïeb BOUHANANA, réalisateur, scénariste et producteur marocain, au Festival de Dakhla 2023, avec son trophée du Prix de la première œuvre
Mohamed Bouchait, acteur principal, au Festival de Dakhla 2023, avec le trophée remporté par le film SAHARI (Prix de la première œuvre)
Mohamed Bouchait, acteur principal, au Festival de Dakhla 2023, avec le trophée remporté par le film SAHARI (Prix de la première œuvre)
Malika Maalainine, réalisatrice marocaine
Malika Maalainine, réalisatrice marocaine
Aida BOUYA, réalisatrice marocaine
Aida BOUYA, réalisatrice marocaine
Jaouad Babili, réalisateur marocain
Jaouad Babili, réalisateur marocain
Salem Ballal, réalisateur marocain
Salem Ballal, réalisateur marocain
Le réalisateur marocain Moulay Taïeb BOUHANANA
Le réalisateur marocain Moulay Taïeb BOUHANANA

En compétition officielle du festival du film international de Dakhla qui s'est tenu du 02 au 08 Juin 2023, le film Sahari Slem wsaa a été couronné par le Prix de la première œuvre (dans la catégorie des longs métrages). Ce prix est octroyé par l'association pour l'animation culturelle et artistique dans les provinces du sud. Le film porte la griffe du jeune réalisateur Moulay Taieb BOUHANANA (aussi connu sous le nom de My Taieb Bouhanana). Il est issu de Laayoune, ville située dans la région du Sahara, à 1.084 kms de Casablanca [Note 1].

Ce travail filmique est un beau voyage au cœur du désert, au milieu de nulle part, des étendues de dunes en vagues de sable doré et brillant, des tentes tissées en poils de chameau installées comme des Naevius, uniques et très éloignées les unes des autres, au milieu d'un espace désertique. Le réalisateur a mis beaucoup de temps à explorer pour trouver ses lieux de tournage. Cela lui a coûté six ans de travail, pour donner naissance à son 1er long métrage, dont la durée est de 119 minutes.

Dans son staff artistique, il a réuni des acteurs de renom dont la grande actrice Rawya (Raouia), Mohamed Khouyi, plus une pléiade d'artistes, avec la participation exceptionnelle de Anas El Baz. La première est une star marocaine du cinéma et de la télévision. Le second, lui, est un caméléon du champ cinématographique et télévisuel, très connu par sa présence qui crève l'écran. Mais ces stars ne se révèlent pas ici à la hauteur de leur renommée, tant ils sont très effacés.
Raouia joue une maman passive et froide, malgré la situation de ses enfants affectés par le litige politique qui règne dans la région [appelé séparatisme par le royaume du Maroc et droit à l'autodétermination par ceux qui s'estiment ressortissants de la République Populaire Arabe Sahraouie, NDLR].
Mohamed Khouyi n'est pas du tout dans son élément, avec un rôle secondaire. Quant au reste du casting, Nadia Kounda tire son épingle du jeu. Ouliya Touir a su elle se mettre dans la peau de la femme combattante ; mais elle a encore beaucoup à faire pour réussir son pari d'être une actrice à part entière. Le stress a semblé avoir épuisé Mohamed Bouchait ; le tract reste présent bien qu'il ait le rôle phare dans le film. My Taieb a certainement dirigé cette armée d'artistes comme il se devait, mais le poids est tellement lourd que dans certaines scènes les fils s'entremêlent.

Sahari traite de l'histoire d'une fratrie de 3 garçons et une sœur que le destin a voulu séparés, juste après le retrait de l'Espagne en 1975 de l'ensemble des territoires colonisés, chacun selon ses principes et ses convictions entre les parties en conflit.
L'un des frères, citoyen très attaché à son pays, défend l'intégrité du territoire marocain. L'autre préfère s'allier au camp des séparatistes. Par contre, le 3ème a choisi d'être neutre et préfère s'installer dans le désert mauritanien [un peu plus au Sud, NDLR]. C'est un schéma clair dessiné par le réalisateur pour expliquer la situation politique dans la région. La sœur militante a décidé de s'enfuir des camps de Tindouf, en Algérie, pour aller à la recherche de ses frères.
Dans la partie, il y a aussi un spécimen d'un genre particulier, baptisé Maddoub (qui signifie "gentil", en arabe), à la marche nonchalante et une tête altière, c'est le chameau, élément fétiche adopté par l'équipe de tournage. Le maestro de film a introduit cet animal, symbole de la patience et l'image de marque du Sahara, non pas pour faire joli ou dessiner une carte postale mais pour montrer à quel point il existe un attachement entre la terre et l'identité réelle de l'homme sahraoui.

Dans cette histoire, l'amour vient atténuer la dureté et l'atmosphère vénéneux qui règne dans la région à cause d'un différend crée de toutes pièces. La vie d'un couple sahraoui traduit la relation intime très douce entre deux êtres qui s'aiment et essaient de garder ce lien sacré. C'est un message du réalisateur qui se réfère aux caractéristiques de son propre entourage basé sur le respect l'amour familial unissant l'ensemble des membres de sa famille.

Le cinéaste aborde frontalement le problème politique qui est venu déstabiliser cette union et disperser ses composantes d'une manière inhumaine. Le réalisateur a traduit honnêtement cette dispersion, à travers la marche pénible de Salka, la sœur. Elle se lance à la recherche de ses frères, accompagnée de son fils, un adolescent qui était réticent à la thèse des vrais propriétaires de l'intégralité des territoires naguère colonisés par l'Espagne.
Le réalisateur n'a pas oublié de faire un clin d'œil très important à l'affaire des jeunes enfants sahraouis envoyés en voyage à Cuba par des séparatistes.

Avec toutes les contraintes qu'il a eues en fabriquant son film, My Taieb Bouhanana a réussi à créer un œuvre beau à voir, avec une luminosité éblouissante, de magnifiques plans de désert, avec des étendues de terres sableuses. Les images sont belles, néanmoins loin d'être des cartes postales. Elles révèlent plutôt la richesse du patrimoine naturel du sud marocain. Malgré la censure qui est intervenue dans ce travail, le message nationaliste pour la cause marocaine est passé. La lumière de l'enjeu national reste clair.
Sahari vient donc enrichir la cinématographie marocaine qui compte plusieurs films signés par des réalisateurs et réalisatrices issus des provinces du Sud. On peut citer Salem Ballal, Malika Maalainine, Jaouad Babili, Sidi Ahmed El Chakaf, Aida Bouya et El Ghali Graimiche. Ces faiseurs d'images endossent la responsabilité de travailler dans le sens de rejoindre le reste des professionnels œuvrant à la création d'une industrie cinématographique nationale.
Tous espèrent l'application des recommandations issues de l'ensemble des discussions et échanges qui ont eu lieu entre les professionnels, dans le cadre de cette 11ème édition du festival de film international de Dakhla. Le but de ces rencontres est de trouver des solutions aux problématiques de la production qui représente une entrave épineuse pour ceux qui ont choisi de se mettre derrière la caméra. Ce problème se pose partout dans le monde, surtout en Afrique en l'absence d'institutions de production assez fournies. Dans la majorité des États, certains encore considèrent l'art et la culture au bas de l'échelle des autres composantes de la société. En outre, iI y a aussi la réticence des responsables du secteur privé à investir dans le secteur cinématographique.

Le positif c'est que la nouvelle génération est consciente de cette situation délicate. Pour ne pas rester inactif, ils emploient des efforts pour au moins laisser une trace à travers leurs courts et longs métrages documentaires ou fictions. Ils se débrouillent comme ils peuvent pour financer leurs projets. C'est le cas de My Taieb Bouhanana. Son film lui a coûté beaucoup de temps, avoisinant six ans de travail plus beaucoup de ses économies, avant que son projet de film voit le jour. Il marque un pas en avant.
Heureusement pour lui que cet effort a été récompensé et encore mieux, primé. Prix de la première œuvre à Dakhla 2023 (Maroc), il avait déjà remporté le Prix du meilleur scénario et le Prix du meilleur décor à la 15è édition du Festival de Jaipur - JIFF 2023. Sahari a fait sa Première Mondiale à ce festival indien qui s'est déroulé du 06 au 10 janvier 2023.
Ce succès sera pour lui une incitation pour assurer la continuité dans ce secteur qu'il a choisi par amour. Cela se révèle un défi bien calculé pour tenir bon en face de tout embarras.

À la base, My Taieb Bouhanana est producteur et ingénieur de son, avant de se tourner vers la réalisation. Il est diplômé de l'ESRA de Paris (établissement pour la formation aux métiers de l'audiovisuel, cinéma, son et animation) et de la SAE Institute.
Il a deux courts métrages à son actif : Le livre de la vie (réalisé et produit en 2010), puis L'intermédiaire ou Wassit (2015), ainsi que la web série Fdar Ghafloun. Ce n'est qu'en 2023 que son 1er long métrage Sahari voit le jour. Bouhanana est de nouveau présent aux festivals nationaux et internationaux.

par Amina BARAKAT, envoyée spéciale à Dakhla

[Note 1] Le royaume du Maroc estime que les territoires colonisés par l'Espagne jusqu'en 1975 sur ses flancs lui reviennent de droit. Les populations sur ces terres clament, au contraire, qu'ils sont un État à part entière et ont érigé la République Populaire Arabe Sahraouie reconnue par l'Union Africaine dont elle est membre, (NDLR, Note du Rédacteur en Chef).

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