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GOODBYE JULIA. Pour souder le Soudan
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 07/11/2023
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Michel AMARGER, Rédacteur (Paris) à AFRICINÉ MAGAZINE
Mohamed Kordofani, réalisateur soudanais
Mohamed Kordofani, réalisateur soudanais
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Scène du film GOODBYE JULIA
Nyerkuk | 2016
Nyerkuk | 2016
Kejer's Prison | 2019
Kejer's Prison | 2019
A tour in love Republic | 2020
A tour in love Republic | 2020
Amjad ABU AL-ALA, producteur soudanais du film GOODBYE JULIA
Amjad ABU AL-ALA, producteur soudanais du film GOODBYE JULIA
L'équipe du film GOODBYE JULIA, au Festival de Cannes 2023
L'équipe du film GOODBYE JULIA, au Festival de Cannes 2023

LM Fiction de Mohamed Kordofani, Soudan / Egypte / Allemagne / France / Suisse / Arabie Saoudite, 2023
Sortie France : 8 novembre 2023

Le cinéma du Soudan se hisse pour la première fois, en sélection officielle au Festival de Cannes 2023, dans la section Un certain regard, grâce au film de Mohamed Kordofani, Goodbye Julia, promis à une diffusion internationale. Cette visibilité est cautionnée par une autre réalisateur soudanais, Amjad Abu Alala, plébiscité pour Tu mourras à 20 ans (You Will Die at 20), 2019, Lion d'or du meilleur premier film à Venise, qui épaule la production de son compatriote. Des cinéastes engagés pour exposer le potentiel du pays malgré les tensions (puisque des combats entre l'armée et les Forces de soutien rapide, ont repris juste après la projection de Goodbye Julia à Cannes).
L'armée est dirigée par le comité de sécurité qui soutenait le président déchu Omar Al-Bashir à l'époque du régime islamiste tandis que les Forces de soutien rapide sont une milice nourrie des guerres précédentes. Mais le propos de Mohamed Kordofani est orienté vers la sécession du Sud Soudan, survenue le 9 juillet 2011, qui a clivé le pays originel. "Le film traite de la séparation de manière plus globale et pas seulement de la séparation du Sud. Il traite également de la séparation des maris, des enfants, des amis et des êtres chers", déclare le cinéaste qui voit dans cette situation "la preuve la plus importante des problèmes partisans sous toutes ses formes et de la crise d'identité culturelle et religieuse dont souffre le Soudan."



Le récit est centré sur Mona, une ancienne chanteuse du nord, qui engage comme employée de maison Julia et recueille son fils. Mona ne dit pas que Julia est la veuve d'un homme du Sud que son mari a tué sans savoir qu'elle était la vraie responsable de sa mort. Elle cache son secret à Akram, son mari, et à Julia. Mais les événements politiques qui secouent le Soudan et vont le scinder, obligent Mona à assumer ses mensonges. Chacun doit évoluer pour trouver une juste place.
A travers cette évocation, Mohamed Kordofani détache la relation de deux femmes, de classes, d'âges, de communautés et de religions différentes, en précisant : "Goodbye Julia est un voyage difficile à travers la mémoire collective des peuples soudanais et sud soudanais, qui traite de la vie quotidienne normale de deux femmes liées par des situations sociales et politiques inhabituelles qui les ont beaucoup affectées." Ainsi les héroïnes se confrontent aux soubresauts du référendum de sécession. "Le film examine la dynamique de l'interaction compliquée entre les nordistes et les sudistes, ainsi que le conflit entre le progressisme et le conservatisme", estime le cinéaste qui "aborde le processus de changement par lequel nous devons passer pour nous réconcilier."

Goodbye Julia valorise aussi la puissance de ses héroïnes comme l'explique son auteur : "Je voulais également présenter un film mettant en scène des femmes qui souffrent de l'oppression de la société, mais qui malgré cela, sont fortes, intéressantes et admirables." Mona est interprétée par Eiman Yousif, chanteuse et comédienne de théâtre engagée, et Julia par Siran Riak, mannequin connue pour avoir été Miss Sud Soudan en 2014. Autour d'elles, Akram est joué par Nazar Gomaa, acteur et aussi réalisateur de télé, et le jeune Majier par Ger Duany, un enfant soldat devenu réfugié avant de s'imposer comédien à Hollywood.
L'enjeu de Mohamed Kordofani est de combiner des éléments du cinéma d'auteur avec une histoire populaire soignée pour séduire largement comme il le reconnaît : "Je voulais que le film soit palpitant, avec une intrigue mystérieuse, un rythme attrayant, des meurtres et de la musique, mais pas au détriment de sa valeur artistique et qu'il n'aborde pas de manière superficielle ou naïve des sujets complexes comme l'identité, le racisme et le conflit entre conservatisme et progressisme."

Cette intention a du affronter des troubles militaires pour se concrétiser au tournage, pénalisé par le manque d'infrastructures cinéma du Soudan. Mais l'apport du directeur photo sud-africain Pierre de Villiers, réputé par son travail pour Lemohang Jeremiah Moses sur L'indomptable feu du printemps (This Is Not a Burrial, It's a Resurrection), 2019, a permis d'assurer la qualité d'images recherchée même sur les plans larges. "Mon devoir d'artiste m'imposait de documenter l'histoire sous un angle sociétal plutôt que sous la forme de récits politiques, dans lesquels l'image seule n'est pas complète", ajoute Mohamed Kordofani.
Goodbye Julia est donc le point d'orgue d'une lutte pour tenter de stabiliser et réconcilier un pays déchiré. Un challenge singulier pour un cinéaste qui a été ingénieur en aéronautique chez Gulf Airlines avant de tout plaquer pour revenir à Khartoum où il a créé Klozium Studios pour produire le film. Déjà auteur de courts métrages, Nyerkuk et Kejer's Prison, projeté pendant la révolution, il a aussi répondu à la commande d'un sujet par l'ancien ministre soudanais Abdallah Hamadok afin de promouvoir le Soudan et son potentiel d'investissement.



Epaulé par ses compatriotes, Amjad Abu Alala et Mohammed Alomda, Mohamed Kordofani milite pour améliorer "le niveau social et le désir de réconciliation en tant que citoyen et d'abandon des privilèges injustes au profit d'une meilleure patrie pour tous, ce qui nécessite d'ouvrir la plaie pour la nettoyer et la traiter ensuite." C'est ce que tente Goodbye Julia puisque selon son auteur : "Il faut que les gens en parlent. C'est le rôle de l'art en général, et du cinéma en particulier car il est le plus efficace pour aborder la conscience des sociétés." Alors Mohamed Kordofani avance son sens de la production, de la communication pour diffuser et exporter Goodbye Julia. Un intense moment de cinéma.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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