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Bàttu
de Cheick Oumar Sissoko
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 29/07/2002

Et si les riches avaient besoin de donner ? C'est autour de cette vraie question qu'est construit le roman de la Sénégalaise Aminata Sow Fall qui met en scène la communauté des mendiants de Dakar, les Bàttu, du nom de la calebasse qu'ils tendent pour l'aumône - à l'instar de la prière, une des obligations quotidienne des Musulmans. L'adaptation qu'en fait l'Américaine Joslyn Barnes amplifie cette question, sous la houlette d'un réalisateur qui fait preuve avec ce cinquième long métrage d'une détermination inébranlée à poser les vrais problèmes pour faire bouger l'Afrique. Car si la question se pose bien sûr dans le rapport Nord-Sud (comme l'avait déjà souligné Sembène dans Guelwaar), elle est aussi valable en Afrique : c'est pour satisfaire les intérêts et l'arrivisme de politicards verreux que les mendiants de Dakar sont brutalement exclus de la ville sous prétexte de gêner le tourisme et parqués dans un township éloigné où les riches continuent d'aller leur porter leurs oboles. Ne dévoilons pas un scénario qui a sa force de suspense et qui montre bien à quel point le pouvoir flageole si sa richesse ne peut plus mettre le monde à ses pieds. Sissoko insiste par la brutalité des scènes de répression sur sa force de nuire mais aussi sur la fierté et la dignité des pauvres, là encore sur les traces du Sembène de Mandabi et surtout de Xala. Les similarités du traitement cinématographique (avec une image plutôt en retenue de l'Américain Geary Mac Leod, plus proche de Clockers que de L'Arme fatale) sont frappantes et l'on est loin ici des étendues désertiques de La Genèse. Il fallait pour ces scènes d'intérieur ou de rues des acteurs hors paire. La première apparition de l'Afro-américain Dany Glover dans un film africain est un événement inaugurant un rapprochement qui se prépare depuis longtemps. Est-ce une chance pour le film ? Glover est aussi bon que dans L'Arme fatale, sachant moduler chaque ride aux nécessités de son interprétation, et enfoncerait vite tout interlocuteur. Mais Isaach de Bankolé, Makena Diop et Félicité Wouassi relèvent admirablement le défi. Il fallait ça pour faire entendre au spectateur que "lorsque tu fais des offrandes, tu les fais à Allah et Allah décide ce qu'il en fait".

Olivier Barlet

2000, 1h35, avec : Isaach de Bankolé, Dany Glover, Makena Diop, Félicité Wouassi. Prod. : Elmet Films, Distr. UGC internat.

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