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Hicham Lasri et la création cinématographique
critique
rédigé par Noureddine Mhakkak
publié le 26/01/2021
Hicham Lasri, réalisateur, créateur marocain, durant les répétitions de sa pièce de théâtre "Les Invisibles", en janvier 2019, à Casablanca (courtesy / photo : Vanessa Lefebvre Altot, Wikimedia)
Hicham Lasri, réalisateur, créateur marocain, durant les répétitions de sa pièce de théâtre "Les Invisibles", en janvier 2019, à Casablanca (courtesy / photo : Vanessa Lefebvre Altot, Wikimedia)
Noureddine Mhakkak est rédacteur à Africiné Magazine
Noureddine Mhakkak est rédacteur à Africiné Magazine
C'EST EUX LES CHIENS a eu le Prix Paulin Vieyra décerné par la Critique panafricaine (FACC / Africiné Magazine) au Fespaco 2015
C'EST EUX LES CHIENS a eu le Prix Paulin Vieyra décerné par la Critique panafricaine (FACC / Africiné Magazine) au Fespaco 2015
Image du film "Ligne de vie" / "Casa One Day", 2015
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Image du film "Android", 2010
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Image du film "Terminus des anges", 2009
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Hicham Lasri, cinéaste et bédéiste marocain
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"MaRRoc" (2019), roman graphique
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"Vaudou" (2015), roman graphique
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Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)
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Hicham Lasri représente un nouveau cinéma. Un cinéma qui pense différemment. Un cinéma qui ne s'arrête pas de chercher, de créer d'autres façons de voir le monde.
Il est né en avril 1977 à Casablanca (centre-ouest du Maroc, capitale économique du pays), à environ 80 km au sud de Rabat, la capitale administrative. On lui doit : Géométrie du remords (2002, court métrage), Ali J'nah Freestyle (2004, court métrage), Lunatika (2005, court métrage), Jardin des Rides (2005, court métrage), L'Os de fer (2007, téléfilm), Le peuple de l'horloge (2005, court métrage), Terminus des anges (2010), The End (2011, premier long métrage), Android (2011, court métrage), C'est eux les chiens... (2013, long métrage), The Sea is behind / Al bahr min ouaraikoum (2014, long métrage), Affame ton chien (2016, long métrage), Headbang Lullaby (2017, long métrage), Jahilya / La blessure la plus rapprochée du soleil (2018, long métrage), Nayda (2019, long métrage) et la trilogie Marroc (2020, courts métrages).

Par ses films, le réalisateur marocain crée un univers magique plein de charme, le charme d'être bizarre, le charme d'être étrange. Le cinéma n'est qu'une façon de parler de tout, selon l'expression de Jean-Luc Godard.
Le cinéaste a créé de beaux films, des films qui appartiennent au vrai cinéma, le cinéma qui parle du tout, avec une approche artistique de très haut niveau. C'est un cinéma plein de métaphores. Un cinéma qui pousse les spectateurs à réfléchir et qui leur demande de regarder le monde de l'art autrement, de le regarder et de le voir même avec des nouveaux yeux. Car ici, dans le cinéma de Hicham Lasri, l'art et l'esthétique ne sont pas faciles à séparer de la technique et de la pratique (comme l'estime aussi Satyajit Ray), ainsi que bien évidement de la vision du monde du réalisateur.
Connu sous le pseudonyme de Daddy Desdenova, l'artiste marocain est un touche-à-tout. Au-delà du cinéma, Hicham Lasri est aussi romancier et dessinateur. En tant qu'écrivain, il est l'auteur de 3 romans : Stati : roman à facettes (2009, Eddif), Sainte Rita (2015, Éditions Le Fennec) et L'improbable Fable de Lady Bobblehead (2020, Éditions Rimal). Dessinateur, il a signé (textes et dessins) autant de bandes dessinées (ou romans graphiques) : Vaudou (2015, Éditions Le Fennec) soit la même année que son second roman Sainte Rita chez le même éditeur, puis Fawda (signifiant "Chaos", en langue arabe, paru en 2017, édition Kulte), Tijuana Bible (2018) et MaRRoc= al-marrūk: faux guide touristique à l'usage des étrangers (interdit aux marocain-e-s), publié en 2019, à Casablanca aux éditions Le Fennec.
Hicham Lasri est également crédité comme auteur-compositeur avec ChicShocs, son groupe de musique. Il a sorti en 2019 une chanson intitulé "L'B3abe3" qu'il décrit comme "une expérience sociale ou il insulte tout le monde en s'incluant lui-même dans le lot. L'idée étant de recenser la réaction de la foule, comme dans une performance artistique" (Wikipédia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Hicham_Lasri). ENTRETIEN.

Que représente le cinéma pour vous, dans le cadre de vos intérêts artistiques ?

Enfant, j'ai toujours été entouré/fasciné par les livres et surtout cette incroyable soif d'histoires, le storytelling, les mythes, les comics, "la halqa" [lieu de divertissement et de rire, avec des représentations de théâtre traditionnel marocain, en plein air, voir l'article de Samia Saïdi, NDLR], les romans d'espionnages égyptiens, la caverne de Platon, les fumetti italiens [nom donné à la bande dessinée, en Italie, NDLR], Ahl al Kahf de Tawfiq Al Hakim ["Les Gens de la caverne", pièce de théâtre du dramaturge égyptien (1898-1987), publiée en 1933], la collection Série Noire (romans policiers, éditions Gallimard) et tous les livres possibles et envisageables ont été des inspirations où j'ai puisé naturellement. Le cinéma s'est retrouvé à la croisée de tout ça.
Le cinéma c'est aussi le moyen de faire vivre ce qui a été perdu, ce qui a été oublié ou effacé de l'histoire d'un pays. C'est un art technique ou une technique artistique. Je trouve très stimulant de l'utiliser pour ramener quelque chose de l'ordre de la double lecture, du double langage. Le cinéma a toujours été une langue libertaire. Comment faire un cinéma qui n'accepte pas le statu quo, un cinéma sans concession, un cinéma qui regarde les ténèbres dans les yeux et lève le voile sur la vérité que la politique, la démagogie ou la bêtise essaie de cacher, mais aussi comment raconter les récits de ces peuples devenus solubles dans le temps et dans la mondialisation…

Pouvez-vous nous parler de votre carrière cinématographique et quels sont les films internationaux les plus importants qui vous ont influencé ?

Après un cursus juridique, je me suis lancé dans l'écriture de scénario, ce qui me semblait le moyen le plus efficace pour réussir à convaincre des producteurs pour faire mes courts-métrages. Pendant mes années de fac, je caressais toujours l'envie d'écrire des nouvelles, de créer une bande dessinée en m'inspirant du travail de Robert E. Howard [1906-1936, Etats-Unis, créateur du personnage de Conan le Barbare, NDLR] et Jack Kirby [1917-1994, Etats-Unis, créateur de Captain America, avec Joe Simon son co-auteur, NDLR]. Le moment du passage à l'acte coïncide avec une période où j'ai subi une blessure au genou en jouant au foot, ce qui m'a immobilisé un mois et m'a forcé à passer à l'acte et commencer "concrètement" à écrire.
Et puis j'avais ma période en tant que critique de cinéma vers l'âge de 21/22 ans dans les pages des journaux marocains (Libération et autres). C'est aussi une école importante où je publiais des papiers à la fois décalés et parfois très sévères sur les films des "vieux réalisateurs" marocains qui sont actuellement mes collègues… Certains cinéastes se rappellent encore des errements féroces de ma jeunesse dans les pages cinéma de la presse marocaine…

Un grand cinéaste pour moi, c'est Sydney Lumet. Son film The Offence [1972] est un œuvre qui a marqué une date importante à la fois dans ma cinéphilie, mais aussi dans ma manière d'envisager le cinéma comme un vecteur sensoriel, loin de la dictature du scénario et loin de la dictature des "mauvais" lecteurs des scénarios… En tant qu'écrivain, c'est étrange de dénigrer le scénario et l'écriture scénaristique, mais c'est mon sentiment…

Dans vos films, vous avez présenté des problèmes de société avec une pensée et une vision profondes, ainsi qu'un travail artistique fort, caractérisé par une expérimentation extrême et une manière cinématographique organisée. Pouvez-vous nous parler de ces films et essayer de les redécouvrir avec nous à nouveau ?

Le cinéma est un révélateur, un instigateur et un inspirateur. C'est une brèche dans la cathédrale du silence, une puissance de l'imagination contre l'inertie et l'immobilisme. À travers mes histoires, j'essaie autant d'étonner que de comprendre mon monde, en essayant de le penser. Chaque film participe à un moment clé de ma vie en tant que citoyen de cette partie du monde.
Il y a quelques années, j'ai lu un livre étrange et formidable titré L'insurrection qui vient rédigé par Comité invisible [2007, La fabrique éditions, Paris, NDLR]. Dans ce récit, il y avait des éléments qui expliquent la "fatigue" mentale, cet état quasi catatonique qui nous drape tandis qu'on traverse nos vies. Cette idée/image persistante qu'on traverse le monde comme des zombies à la poursuite de certaines choses qu'on pense indispensables (confort, boulot, voiture à crédit, iPhone 18…).

Noureddine Mhakkak

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