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Le secret du Festival International du Caire (CIFF) : une équipe permanente et un travail continu
critique
rédigé par Neïla Driss
publié le 06/12/2022
Neïla DRISS, Rédactrice à "Africiné Magazine"
Neïla DRISS, Rédactrice à "Africiné Magazine"
Hussein Fahmy (en bleu) et Mohamed Hefzy (chemise blanche), l'actuel et l'ancien présidents du Festival International du Film du Caire.
Hussein Fahmy (en bleu) et Mohamed Hefzy (chemise blanche), l'actuel et l'ancien présidents du Festival International du Film du Caire.
Amir RAMSÈS (Directeur général du CIFF 2022, en gris, à gauche), Hussein FAHMY (Président du festival du Caire) et Andrew MOHSEN (Directeur de la Programmation du CIFF), ensemble en Septembre 2022, au festival de Venise, Italie.
Amir RAMSÈS (Directeur général du CIFF 2022, en gris, à gauche), Hussein FAHMY (Président du festival du Caire) et Andrew MOHSEN (Directeur de la Programmation du CIFF), ensemble en Septembre 2022, au festival de Venise, Italie.

La 44ème édition du Festival International du Film du Caire (CIFF) s'est tenue du 13 au 22 novembre 2022. C'est une belle édition qui s'achève, démontrant une fois encore que ce festival mérite d'être classé en catégorie A par la Fédération Internationale des Associations des Producteurs de Films (FIAPF). En effet, Le Caire est reconnu comme un des 14 plus grands festivals de cinéma du monde, par cet organisme basé à Bruxelles, en Belgique et réunissant 34 associations de producteurs dans 27 pays. Le CIFF est d'ailleurs le seul festival africain et de toute la région MENA (Moyen-Orient & Afrique du Nord) à figurer dans ce classement FIAPF.

L'actuel président du CIFF (Cairo International Film Festival), l'acteur Hussein Fahmy, ambitionne de le faire figurer parmi les 4 plus grands festivals de cinéma du monde aux cotés des festivals de Cannes, Berlin et Venise. Et d'ailleurs pourquoi pas ?

Ce n'est pas impossible ni même très difficile pour une équipe qui travaille sérieusement à faire avancer son festival et y attirer un public de plus en plus nombreux.

Dans l'ensemble, cette 44ème édition était bien organisée. Il y avait une belle sélection de films, dont un grand nombre en première mondiale ou régionale. Les projections commençaient à l'heure. Les salles étaient la plupart du temps au complet et les films en compétition étaient suivis de débats très intéressants. Tous les membres de l'équipe organisatrice, qu'ils soient des permanents, des saisonniers, ou même les bénévoles, étaient très aimables et serviables. Ils étaient là pour aider les invités et les spectateurs venus en grand nombre participer à ce grand festival.

Bien sûr, il y avait quelques détails qu'il faut améliorer. Par exemple, le décor de la scène de la grande salle de l'Opéra qui avait été mis en place pour les deux cérémonies d'ouverture et de clôture. Il est resté en place pendant toute la durée du festival, ce qui avait été un peu gênant lors des projections. En effet, une partie du revêtement de la scène était brillant et donc reflétait la lumière de l'écran. Ou alors la trop forte climatisation des salles qui poussait à prévoir une veste ou un manteau pour ne pas risquer de geler dans son fauteuil. Et bien sûr, le problème des spectateurs qui usent et abusent de leurs téléphones portables et dérangent donc leurs voisins.
Sans oublier le fait que les Premières des deux longs métrages tunisiens (L'île du pardon de Ridha Behi et Je reviendrai là-bas de Yassine Redissi) ont été programmées le même jour et à la même heure. Cela nous a obligés, nous Tunisiens, à devoir choisir entre les deux. Pour ce dernier point, d'après la direction du festival, il y a eu des contraintes de dates de séjour de certains membres des équipes des deux films qui les ont obligés à cela. Mais les deux films auraient quand même pu, au moins, être projetés à des horaires différents.

Dans une interview parue cette semaine dans un journal égyptien, le critique de cinéma Andrew Mohsen, membre de la direction artistique du festival a dit que, comme chaque année, dès la fin de l'édition, il y a eu des réunions. Cela permet de faire le bilan de l'édition, connaitre les points faibles, défauts ou manquements et essayer d'y remédier à l'avenir. Ceci est un des secrets de la réussite de ce festival : la remise en question, qui est possible dans la continuité et la capitalisation sur l'expérience.

En effet, le CIFF a une équipe PERMANENTE de 28 personnes, dont certaines sont là depuis plus de 20 ans, ce qui permet de travailler tout au long de l'année et de bien préparer les éditions. Grace à l'expérience acquise au fil des années, ces personnes peuvent avancer, corriger les défauts ou erreurs et améliorer en permanence. Et cela, même en cas de changement de président.
Toujours d'après Andrew Mohsen, l'année dernière, lorsque le départ de Mohamed Hefzy, l'ancien président du CIFF, avait été annoncé et avant que le nouveau président soit nommé, l'équipe du festival avait continué à travailler et à préparer l'édition à venir. Sans interruption. Par exemple, l'équipe artistique avait pris contact avec les professionnels du cinéma, les divers producteurs, distributeurs et programmateurs, pour se tenir au courant des nouveaux films de l'année et avait commencé les négociations pour en avoir certains au CIFF. D'après lui, ces négociations ont pu avoir lieu parce que leurs vis-à-vis avaient une confiance totale en ce festival et en son sérieux. Bien sûr, aucun accord définitif n'avait été conclu en attendant la nomination du nouveau président mais tout le travail préalable avait été fait pour ne pas perdre de temps.

Lors d'un entretien qu'il a eu avec les journalistes invités au CIFF, Hussein Fahmy a d'ailleurs mis l'accent sur ce point. Il a affirmé que l'équipe est très importante, et même plus importante que le président lui-même et que c'est elle qui accompli effectivement tout le travail. En effet, au début de sa nomination, il y a eu énormément de réunions pour déterminer les buts à atteindre, mettre en place les procédures, partager les taches, et ensuite, tout s'est bien passé. Il a raconté que lui-même ne passait pas dix ou douze heures par jour au bureau, mais y allait environ deux heures pour se mettre au courant, résoudre les problèmes qui se présentent et donner ses directives. S'il peut se permettre cela, c'est bien parce que tous travaillent et très bien.

En plus de cette équipe permanente, qui acquiert année après année une expérience solide, chaque nouveau président garde ce qu'ont fait ceux qui étaient là avant lui. Il essaye d'ajouter et de perfectionner. C'est ainsi que pour cette 44ème édition, Hussein Fahmy a gardé toutes les nouveautés introduites par son prédécesseur, Mohamed Hefzy. Par exemple, ont été reconduits, les Cairo Industry Days (créés en 2018 et devenus un évènement très important pour tous les professionnels du cinéma), le Food Court (devenu un lieu de rencontre du public et même une sorte de ciné-club permettant des discussions intéressantes à propos des films), la convention avec des universités pour attirer les étudiants, le théâtre de la Fontaine (espace en plein air construit en 2020 pour faire face à la pandémie de la Covid19, qui permet d'accueillir pendant la journée des rencontres, des masters class et des conférences et le soir, des projections de films).
A tout cela, cette année Hussein Fahmy a ajouté une plus grande présence dans les festivals étrangers comme Cannes et Venise.

Par exemple, en mai 2022, le CIFF a été présent à Cannes, avec une grande campagne d'affichage urbain et l'organisation de quelques évènements, et pour 2023, il est prévu de voir revenir un stand Egypte dans le Village international. Une collaboration est également en cours avec le Festival international du film de la Mer Rouge (The Red Sea International Film Festival, Djeddah, Arabie Saoudite), en particulier pour la restauration de vieux films égyptiens, qui seront programmé dans les deux festivals.
Par ailleurs, le CIFF a restauré cette année deux films égyptiens : Le choix de Youssef Chahine (1971) et Le Journal d'un procureur de campagne | Yawmiyat naeb fi al ariaf de Tawfik Saleh (1969), programmés dans la section Cairo Classics. L'expérience a remporté un si grand succès auprès du public qu'il a été décidé de la renouveler. Sans oublier que préserver le patrimoine cinématographique de l'Egypte fait aussi partie des devoirs et objectifs du festival.

Ce qui est aussi remarquable, c'est de voir l'entente ou l'aide entre les deux présidents. Pendant toute l'année, on a noté la présence de Mohamed Hefzy aux moments importants du festival, notamment lors de la conférence de presse du 27 octobre pour présenter le programme de la 44ème édition.
Par ailleurs, quelques heures avant le début de la cérémonie d'ouverture, Mohamed Hefzy a publié sur son compte Facebook, des encouragements au nouveau président Hussein Fahmy et à son équipe. Et lors de cette même cérémonie d'ouverture, c'est Hussein Fahmy qui à son tour a rendu hommage à son prédécesseur, présent dans la salle.

Tout ceci pourrait sembler évident, mais pourtant non. En Tunisie, le plus ancien festival de cinéma d'Afrique et du monde arabe, les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), crée en 1966, n'a pas encore d'équipe permanente. Ce festival n'avait même pas de bureaux avant mars 2018. Ce festival est organisé chaque année plus ou moins à partir du mois de mars, date à laquelle le nouveau Délégué Général est nommé en principe pour une seule année, parfois deux. Et bien sûr, à chaque fois on demande à ce nouveau Délégué Général de former une équipe et préparer son édition pour le mois d'octobre suivant. Comment est-ce qu'on peut exiger qu'un festival soit organisé en 7/8 mois, surtout avec une équipe nouvelle à chaque fois ?

Neïla Driss

Article paru le Mercredi 30 Novembre 2022, sur Webdo (Tunis). Avec l'aimable autorisation de l'autrice, Neïla DRISS.
www.webdo.tn/fr/actualite/culture/le-festival-international-du-caire-une-equipe-permanente-et-un-travail-continu-sont-le-secret-de-sa-reussite/199581

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