La 44ème édition du Festival International du Film du Caire (CIFF) s'est achevée mardi soir par une cérémonie de clôture durant laquelle ont été dévoilés les prix attribués par les divers jurys.
C'est le film Alam, du réalisateur palestinien Firas Khoury, qui a été le grand vainqueur, ayant non seulement remporté la Pyramide d'Or du meilleur film, mais également le prix ex æquo du Meilleur acteur pour le jeune Mahmoud Bakri et le Prix du public qui, lors de la projection, avait applaudi le film à plusieurs reprises. Il est distribué dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) par MAD Distribution Films (MAD Solutions) ; en France c'est JHR Films qui le sort dans les salles hexagonales et ultramarines en 2023.
Alam avait fait sa première au Festival International du Film de Toronto (TIFF, Canada). C'est une coproduction France, Arabie Saoudite, Tunisie, Qatar et Palestine. Le film a été entièrement tourné en Tunisie [comme Sharaf ("Honneur", en arabe) du réalisateur égyptien Samir Nasr (Lire la critique sur Africiné Magazine), NDLR].
Synopsis de Alam (The Flag / Le Drapeau) :
Tamer, étudiant palestinien, ne se mêle pas de politique ; en même temps, le souvenir de son oncle, un activiste physiquement brisé par l'emprisonnement, pèse lourdement sur son esprit. Dès son apparition, il est attiré par une nouvelle camarade de classe, la belle, spontanée et engagée politiquement Maysaa. Pour l'impressionner, Tamer entraîne ses copains dans "L'Opération : Drapeau de Maysaa". Cet acte de résistance vise à remplacer le drapeau israélien de l'école par le drapeau palestinien le jour de l'indépendance israélienne, qui est un jour de deuil pour les Palestiniens lorsqu'ils commémorent la "Nakba" - "la catastrophe". Sous l'influence de Maysaa, la conscience politique de Tamer s'éveille et il décide de participer à sa toute première manifestation.
La Pyramide d'Argent du meilleur réalisateur est allée à Emmanuelle Nicot pour L'amour selon Dalva, un drame puissant sur une fillette de 12 ans qui est élevée dans un centre d'accueil après sa séparation d'avec son père pédophile et ayant eu avec elle des rapports incestueux.
L'amour selon Dalva avait fait sa première au festival de Cannes à la Semaine de la Critique, où il avait obtenu trois prix : le Prix FIPRESCI de la critique, le Rail d'or et le Prix Louis Roederer de la révélation pour Zelda Samson, qui a d'ailleurs également remporté le Prix de Meilleure actrice lors de cette 44ème édition du CIFF.
Quant au réalisateur égyptien Ahmad Abdalla, sa déception n'a pas dû être très grande puisqu'il a par ailleurs remporté le prix de la critique (FIPRESCI) et le prix du meilleur film arabe toutes sections confondues. Cela bien que son très beau film 19 B n'a reçu de la part du jury de la Compétition internationale que le Prix Henry Baraket de la meilleure contribution artistique attribué à son directeur de la photographie : Mustafa Al Kashef.
Ci-dessous, le palmarès complet :
La Compétition internationale :
Ce jury est compris de la réalisatrice japonaise Naomi Kawase, présidente, le réalisateur mexicain Joaquín Del Paso, la directrice de la photographie égyptienne Nancy Abdel-Fattah, le compositeur égyptien Rageh Daoud, l'acteur français Samir Guesmi, l'actrice, réalisatrice et scénariste italienne Stefania Casin et l'actrice indienne Swara Bhasker. Les membres du jury Compétition internationale ont décerné les prix suivants :
- La Pyramide d'Or du meilleur film à Alam, de Firas Khoury (Palestine) ;
- La Pyramide d'Argent du meilleur réalisateur à L'amour selon Dalva, d'Emmanuelle Nicot, réalisatrice française (Belgique/France) ;
- La Pyramide de Bronze de la meilleure première ou deuxième œuvre à Du pain et du sel, de Damien Cukor (Pologne) ;
- Le Prix Naguib Mahfouz du meilleur scénario à A man, de Kei Ishikawa (Japon) ;
- Le Prix du meilleur acteur à Maher AlKhair pour son rôle dans Le Barrage / The Dam) et à Mahmoud Bakri pour son rôle dans Alam ;
- Le Prix de la meilleure actrice à Zelda Samson pour son rôle dans L'amour selon Dalva ;
- Le Prix Henry Baraket de la meilleure contribution artistique à Mustafa AlKashef pour le film 19 B (Egypte).
La compétition Horizons du cinéma arabe :
Ce jury est composé de Michel Kammoun (réalisateur libanais), Moufida Fedhila (productrice tunisienne) et Reem El Adl (costumière égyptienne). Les membres du jury ont décerné les prix suivants :
- Le Prix Saad Eddin Wahba du meilleur film arabe à Mother Valley de Carlos Chahine (Liban) ;
- Le Prix spécial du jury Salah Abu Seif à Riverbed de Bassem Breche (Liban) ;
- Le Prix du meilleur film documentaire à Far from the Nile de Sherief Elkatsha (Egypte) ;
- Le Prix de la meilleure interprétation à Carole Abboud pour son rôle dans Riverbed ;
- Une Mention spéciale pour le film Je reviendrais là-bas (I'm Coming Home) de Yacine Redissi (Tunisie)
- Une Mention spéciale pour l'actrice Lyna Khoudary pour son rôle dans le film Houria (Algérie).
La Semaine internationale de la critique :
Les membres du jury, le réalisateur écossais Ben Sharrock, la critique libanaise Houda Ibrahim et l'acteur égyptien Karim Kassem ont décerné les prix suivants :
- Le Prix Shadi Abdel Salam du meilleur film à Pamfir de Dmytro SokoletkySobchuk (Ukraine) ;
- Le Prix Fathy Farag de la meilleure contribution artistique à Joyland de Saïm Sadiq (Pakistan) ;
- Une Mention spéciale à La Victime de Michal Blasko (Slovaquie).
La Compétition courts métrages :
Les membres du jury, le réalisateur, scénariste et producteur égyptien Ahmed Amer, le réalisateur italien Michelangelo Frammartino et l'actrice tunisienne Rym Turki ont décerné les prix suivants :
- Le Prix Youssef Chahine du meilleur court métrage à Rosemary A.D. (After Dad), d'Ethan Barrett (USA) ;
- Le Prix spécial du jury à My girl friend, de Kawthar Younis (Egypte) ;
- Une Mention spéciale à One F*cking Wish, de Piotr Jasinski (République Tchèque).
La compétition Meilleur film arabe, toutes sections confondues :
Les membres du jury, l'acteur égyptien Ahmed Magdy, la programmatrice polonaise Dorota Lech et l'actrice libanaise Nour ont décerné les prix suivants :
- Le Prix du meilleur film arabe à 19B d'Ahmad Abdalla (Egypte) ;
- Une Mention spéciale pour Riverbed de Bassem Breche (Liban).
Le Prix des critiques :
Les membres du jury, la Tunisienne Henda Haouala, l'Égyptien Mohamed Atef et Rita Di Santo ont décerné le prix FIPRESCI à 19 B d'Ahmad Abdalla (Egypte).
Le Prix du Public
Il est allé à Alam, de Firas Khoury (Palestine).
Analyse des Prix 2022
Il est évident que comme tout palmarès, celui-ci est très subjectif et aurait pu être complètement différent avec des jurys différents. Mais il a été énormément critiqué, dès même la fin de la cérémonie. En effet, ce palmarès ne correspondait en aucun cas aux pronostics ou attentes des uns et des autres.
Certains prix sont même étonnants, comme par exemple la Pyramide de Bronze au film Du pain et du sel de Damian Cukor qui, selon un critique égyptien, aurait même mérité le prix du plus mauvais film. Pourquoi ce prix ? Est-ce que le jury n'a pas trouvé un autre premier ou second film à récompenser ? Par ailleurs, pourquoi est-ce que certains films acclamés par tous, comme par exemple L'Ile du pardon (The Island of Forgiveness) de Ridha Béhi, qui avait été adoré par les critiques égyptiens et le public, sont-ils complètement absents du palmarès ?
Concernant la compétition Horizons du cinéma arabe, le palmarès est très étonnant et décevant. Pourquoi juste une mention au film tunisien Je reviendrais là-bas alors que tous étaient unanimes pour le trouver très très bon ? Pourquoi est-ce que ce même jury a donné deux prix au film libanais Riverbed, alors qu'il est vraiment très moyen ? Le prix de meilleure interprétation à Carole Abboud aurait été largement suffisant, et d'ailleurs mérité, parce qu'elle a vraiment porté le film sur les épaules.
Pour le critique égyptien Ahmed Saad Eddin " 90 % des prix de cette 44ème édition du Festival International du film du Caire sont incompréhensibles pour le public et les critiques, et même pour le jury lui-même !!! ". Et pour le critique Waleed Seif, ce palmarès est le pire palmarès du CIFF depuis de longues années.
Peut-être qu'à l'instar du festival de Cannes, tous les festivals de cinéma devraient organiser une conférence de presse des jurys pour que leurs membres essayent au moins d'expliquer leurs choix.
Neïla DRISS
Article paru sur Webdo (Tunis), le Samedi 26 Novembre 2022. Repris ici, avec l'aimable autorisation de l'autrice, Neïla DRISS :
www.webdo.tn/fr/actualite/culture/ciff-44-un-palmares-decevant/199446
![Houria [dir. Mounia Meddour]](http://www.sudplanete.net/_uploads/images/films/MEDDOUR_Mounia_2022_Houria_00_Angouleme.jpg "Houria [dir. Mounia Meddour]")
