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AU CIMETIÈRE DE LA PELLICULE, de Thierno Souleymane DIALLO
Une réflexion sur le futur du cinéaste et des cinémas africains
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 03/03/2023
Hassouna Mansouri, Rédacteur (Amsterdam) à Africiné
Hassouna Mansouri, Rédacteur (Amsterdam) à Africiné
Thierno Souleymane DIALLO, réalisateur guinéen
Thierno Souleymane DIALLO, réalisateur guinéen
Scène du film
Scène du film
Thierno S. Diallo, réalisateur, présente son film à la Berlinale 2023, entouré par deux responsables du festival allemand.
Thierno S. Diallo, réalisateur, présente son film à la Berlinale 2023, entouré par deux responsables du festival allemand.
Le réalisateur Thierno S. Diallo, à la Berlinale 2023
Le réalisateur Thierno S. Diallo, à la Berlinale 2023
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Le réalisateur Thierno S. Diallo, en tournage
Le réalisateur Thierno S. Diallo, en tournage

Projeté dans la section Panorama de la Berlinale (16-26 février 2023), Au Cimetière de la pellicule de Thierno Souleymane DIALLO n'a pas manqué de laisser une bonne impression. D'abord son style (faisant parler plutôt l'image que la parole) mélangé à un humour noir est particulièrement accrocheur. Ensuite et surtout, son propos est d'une telle force qu'il impose la réflexion. Il est nominé au Fespaco 2023, pour sa Première Internationale et Africaine.

Le sujet principal du film est la recherche d'un court-métrage guinéen dont il n'existe aucune trace. Mouramani est un film réalisé en 1953 par Mamadou Touré est introuvable. Il a été réalisé deux ans avant Afrique-sur-Seine, du collectif composé de Jacques Mélo Kane, Mamadou Sarr, Paulin Soumanou Vieyra. Celui-ci serait donc le premier film de l'Afrique francophone de l'ouest. La recherche du film lui-même s'avère vaine.
A l'Office National du Cinéma Guinéen (ONACIG), la seule trace que le réalisateur a pu trouver est un document où une fiche figurant dans un répertoire de ce que fut la Cinémathèque guinéenne témoigne de son existence. Une visite aux Archives françaises (le film étant Français, puisque produit du temps de la colonisation), finit de faire évanouir tout espoir. Toutes les personnes interviewées - projectionnistes, dirigeants de salles de cinéma, fonctionnaires du ministère de la culture de Guinée, et critiques de cinéma - admettent l'existence du film, mais avouent, toutefois, ne l'avoir jamais vu.



Diallo, de son propre aveu, savait que le film n'existait plus avant même de commencer le tournage de son documentaire. C'est que son propos transcende la simple anecdote d'un film perdu. Qui plus est, ce film ne serait pas d'une importance particulière. Le fait qu'il soit disparu dit le manque d'intérêt qu'il aurait eu, contrairement à Afrique-sur-Seine au propos pamphlétaire, estime Olivier Barlet, critique d'Africultures. Le sort de Mouramani n'est donc qu'un prétexte pour une réflexion sur le drame du cinéma en Afrique francophone de l'Ouest.
L'enquête passe par les salles de cinéma qui disparaissent. Le réalisateur visite les laboratoires qui étaient l'un des fleurons de l'industrie cinématographique africaine. Il est désormais réduit à des vestiges de machines d'un autre temps et des locaux habités par des fantômes issus des histoires qui ont été racontées ou qui auraient pu l'être. Partout le constat du gâchis s'impose. Les structures qui auraient pu faire un cinéma africain autonome ne sont plus que des ruines. Le pire, c'est l'absence de toute volonté et/ou de moyens pour les conserver comme un héritage témoignant d'une époque où la volonté de construction existait. Tous les efforts ont été condamnés à l'anéantissement, à l'instar de tous les films en pellicule que les autorités ont décidé de détruire faute de moyens de les conserver.

Le film évoque le mal du présent et se projette dans le futur. L'image du réalisateur déambulant pieds nus qui ponctuent le film, résume le drame du cinéma africain. Elle dit aussi sa spécificité : un cinéma amputé de son histoire, sans moyens, et pourtant il existe et il avance malgré toutes les embûches. Les étudiants de l'Institut Supérieur des Arts de Guinée [ISAG, rebaptisé ISAMK - Institut Supérieur des Arts Mory Kanté, ndlr] manipulent une caméra en carton. Ils ne manquent pas d'imagination. Une jeune étudiante fait sourire les moutons qui broutent dans les environs de l'établissement. Un autre apprenti-cinéaste s'interroge sur la peur que les gens de la rue manifestent lorsqu'ils sont en face de la caméra.
De même, Thierno Souleymane Diallo, pur produit de la formation cinématographique en Afrique, puisqu'il est formé en Guinée, au Niger et au Sénégal, continue son bon petit chemin de réalisateur. Ce documentaire est une réflexion sur son propre destin en tant que cinéaste et sur celui des cinémas africains dont la force reste non pas dans les moyens techniques et structurels, qui lui font de toute façon défaut, mais dans quelque chose de beaucoup plus fondamental : l'imagination.

par Hassouna MANSOURI

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