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RED SEA SOUK AWARDS 2022
Une fenêtre sur de nouveaux horizons d'images
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 21/02/2023
Image du film WOLFMOTHER (Ismaël EL IRAKI, Maroc), lauréat du Red Sea Souk Production Award (bourse de 100 000 US Dollars)
Image du film WOLFMOTHER (Ismaël EL IRAKI, Maroc), lauréat du Red Sea Souk Production Award (bourse de 100 000 US Dollars)
Bassirou NIANG (Dakar), Rédacteur à Africiné Magazine, Correspondant spécial à Djeddah, Arabie saoudite
Bassirou NIANG (Dakar), Rédacteur à Africiné Magazine, Correspondant spécial à Djeddah, Arabie saoudite
Ismaël EL IRAKI, réalisateur marocain
Ismaël EL IRAKI, réalisateur marocain
Image du film TRIP TO JERUSALEM (Gaby Zarazir & Michel Zarazir), Liban, France
Image du film TRIP TO JERUSALEM (Gaby Zarazir & Michel Zarazir), Liban, France
Margaux Juvénal, productrice (France) du film BANEL & ADAMA (de la réalisatrice sénégalaise-française Ramata-Toulaye SY)
Margaux Juvénal, productrice (France) du film BANEL & ADAMA (de la réalisatrice sénégalaise-française Ramata-Toulaye SY)

Durant quatre jours, au cœur du Festival International de la Mer Rouge (RSIFF) qui s'est tenu à Djeddah, en Arabie Saoudite, du 1er au 10 décembre 2022, a eu lieu le Red Sea Souk. Ce dernier est présenté comme "un marché du film" dans le but de soutenir les industries cinématographiques de l'Arabie Saoudite, de l'Afrique Noire et du monde arabe, et par voie de conséquence, d'assurer la promotion des talents., L'objectif principal a été de "favoriser la co-production, la distribution mondiale" ainsi que de "nouvelles perspectives commerciales". Le tout rythmé par des sessions de présentation, des réunions, des projections, des discussions sur l'industrie et sur les activités de réseautage, et qui ont attiré une grande foule de festivaliers. De quoi nourrir des sentiments chez les lauréat(e)s de cette année.

Nombre de projets en gestation ou en cours de finition ont été épluchés et soumis à l'attention de financiers, de producteurs ouverts à de nouveaux horizons d'images, si ce n'est de regards autres que ceux traditionnellement admis pour les devanciers dans le monde du financement du Septième Art, et bénéficié, au bout de choix parfois difficiles, de bourses en développement ou de bourses à la production, c'est selon. Ainsi, "deux jurys distincts" (Project Market & Works-in-Progress) ont décerné un total de 24 prix pour les projets Red Sea Lodge et Souk Projects.

Cette fenêtre importante du Red Sea IFF a permis, à la fin, de découvrir joyeusement la pertinence de beaucoup de projets originaires des lieux géographiques cités ci-haut. L'Arab Cinéma Center, Cell Co, Leyth Production, Oticons, Titrafilm, L'Arab Télevision and Television Network (ART), Cinewaves Films, MBC et le Red Sea Fund ont tous accordé des bourses à des projets venant d'horizons différents. "Les prix sont destinés à renforcer la confiance des cinéastes émergents et en herbe et à leur ouvrir davantage d'opportunités", déclare Zain Zedan, manager du Red Sea Souk, qui dit toute sa satisfaction face au succès de l'édition 2022. Cette dernière a élargi sa frontière et créé "de nouvelles passerelles pour le cinéma indépendant", selon les mots de Mme Myriam Arab, Co-manager de l'évènement.
Le Red Sea Fund - mis en place par le Royaume d'Arabie Saoudite - a spécialement décerné six (6) prix (voir les détails dans l'Entretien avec Mme Myriam Arab).

Une source de motivation

Ce qu'il y a lieu d'en retenir est qu'un espoir neuf vient de naître pour les nombreux créateurs des pays arabes et africains. Une source de motivation pour le jeune réalisateur Michel Zarazir du Liban qui vient de décrocher une bourse en développement pour la concrétisation de son projet (avec Gaby Zarazir) de long-métrage intitulé Trip to Jerusalem (Voyage à Jérusalem). L'argument teinté d'émotion n'en est pas moins légitime. Ce cinéaste est conscient qu'il est dorénavant possible d'emprunter de nouvelles voies vers la création au cinéma.
Originaire du Liban, pays foncièrement éprouvé par une crise sans précédent à presque tous les niveaux, mais surtout institutionnel et économique, Michel voit dans les Fonds arabes la naissance de nouvelles probabilités d'accomplissement professionnel. Décrivant le Liban comme "un pays qui s'effondre, et dans lequel il n'y a aucune aide pour le cinéma", Michel Zarazir semble voir en ces Fonds arabes et en la co-production internationale les seules alternatives vers la création.

De son côté, pour le porteur du projet Les fils de la Louve (WOLFMOTHER), Ismaël El Iraki, de nationalité marocaine, la bourse en développement obtenu lors de ce Red Sea Souk, est à la fois une "magnifique reconnaissance" dudit projet et "une aide à transformer un scénario en un film concret". Selon lui, cette grande rencontre a été le premier pas vers un financement et un travail accompli.

La satisfaction semble, en tous les cas, le sentiment le mieux partagé chez les Lauréats du Red Sea Souk. A preuve, chez mots lâchés par la jeune réalisatrice marocaine Asmae El Moudir, émue par l'arrivée progressive de Fonds pour accompagner les Projets issus de la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient). Elle est consciente que les idées de la jeune génération de créateurs issus de cette région et des pays d'Afrique attirent les producteurs étrangers. "Parfois, la communication sur les projets personnels n'est pas facile ; c'est pourquoi ce genre de fonds dans notre région nous donne la force et la confiance nécessaires pour que nos projets puissent voir le jour avec un soutien local parfois", croit-elle. Asmae El Moudir juge "prestigieux" de pouvoir rassembler les fonds nécessaires dans sa propre région, et de coup, de ne pas courir le risque d'être "minoritaire sur ses propres idées, par manque de moyens". "Doha film Institute, Afac, Atlas Marrakech et maintenant le Red Sea : c'est une dynamique extraordinaire que nous vivons dans notre région et Inchallah ça continue", dit-elle, visiblement comblée dans une logique d'énumération.

Ismaël El Iraki résume cette nouveauté dans le financement des projets comme "un changement de paradigme" dans les relations porteurs de projets cinématographiques et financiers. Pour lui, un "lien horizontal" est venu désormais se substituer à celui "vertical" existant "traditionnellement" entre réalisateurs et structures de financement dont l'une des plus connues est l'Aide aux Cinémas du Monde. Cela a le mérite de les débarrasser "de certaines attentes thématiques envers le cinéma des anciennes colonies, qui sont aujourd'hui désuètes car héritées de la colonisation, et prenant en compte les films pour leur originalité et non par exemple pour leurs sujets sociaux", estime le réalisateur marocain (déjà auteur de Burning Casablanca - Zanka Contact).

Ce nouveau paradigme en ouvre bien des perspectives et autorise aussi des ambitions nouvelles. Relier ses propres histoires sociales, culturelles, politiques au reste du monde, à travers le cinéma est possible quand les conditions de création sont au rendez-vous. "Je rêve de gagner un Oscar avec une histoire locale marocaine ou africaine. Je sais que c'est un rêve qui demandera beaucoup de temps et de travail, mais je crois que j'ai la patience de le tenter", confie Asmae El Moudir.

L'énorme travail de la production

Et derrière, un levier activé par l'incontournable contribution du producteur. Un travail sur lequel la productrice Margaux Juvénal porte une lumière afin d'aider à comprendre son rôle véritable. "À mon sens, produire, c'est avant tout des tentatives, des combats, des prises de risque et surtout : de la croyance", dit-elle. Cette croyance en la nécessité de se battre pour que naissent des films tant qu'il y aurait des histoires à raconter. L'engagement économique sanctionnant leur travail se traduit ainsi en l'accompagnement des auteurs dans l'écriture, la fabrication, la défense/protection de leur vision auprès des partenaires. Ce qui exige, sur chaque film et chaque jour, l'impératif d' "être inventif, ouvert à l'international, à de nouvelles stratégies de production, à de nouveaux modes de diffusion".

Cependant, tient-elle à préciser, chaque producteur ou société de production tient sa propre ligne éditoriale pour différentes raisons, quand bien même viendront s'y greffer - pour lui donner forme et contenance - l'auteur lui-même à travers "sa personnalité, sa conviction, sa pugnacité, ainsi que son sujet exprimant sa force, son originalité, son universalité".

Bassirou NIANG

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